Vendredi 15 juin 1917
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Brunehautpré) à son fils Louis Froissart (Paris)
15 Juin 17
Mon cher petit Louis,
Je t’envoie quelques lames de rasoir que tu m’avais donné à faire aiguiser. J’avais laissé des instructions pour qu’on les mette dans ta chambre, mais Jeanne[1] les a remises à ton papa[2] qui n’était pas au courant et qui me les a apportées. J’ai, de mon côté, oublié de les faire emporter par Michel[3], et peut-être en es-tu privé ? faut-il te les envoyer ? à Paris ? à Fontainebleau ?
Nous ne savons encore rien du résultat de la visite que Michel a dû passer avant-hier ; je voudrais bien qu’il puisse se soigner encore un peu et retourner ensuite au front sans passer par le dépôt. Mais je le crois encore incapable pour le moment de faire une besogne tant soit peu fatigante.
T’ai-je dit dans mon petit mot hâtif d’hier que Lucie[4] part demain pour Wimereux. Anne Marie et Geneviève[5] ont déjà repris bonne mine, mais Geo[6] a encore bien à faire pour avoir l’air solide !... c’est pitié de le voir si maigrichon et si pâle. Il est cependant en bien meilleure voie. Il m’inquiétait vraiment quand je suis partie de Paris.
Elise[7] ira rejoindre Lucie dans quelques jours afin de faire aussi une saison de bord de mer qui lui sera salutaire ainsi qu’à tous ses enfants présents et à venir[8]. Mais Jacqui s’est retapé très vite au bon air de Brunehautpré et le gros Marc est tout bruni. Ils paraissent plus solidement bâtis que les autres.
Ton papa aussi a déjà bien repris. J’en étais tourmentée quand il est arrivé, tellement je le trouvais maigri. Il a encore des rhumatismes, tantôt dans un poignet, tantôt dans l’autre, depuis hier c’est dans le cou. Par contre sa jambe est bien désenflée et tout à fait guérie.
Nous avons toujours bien l’intention d’aller te voir, ou plutôt de profiter de ton séjour à Fontainebleau le plus longuement possible. Mais nos projets restent subordonnés à ceux de Michel. S’il avait une prolongation, peut-être viendrait-il encore un peu ici.
Jacques[9] prendra sa permission en Juillet à Wimereux. Il s’attend à déménager prochainement soit pour la Belgique, soit plus probablement pour l’Alsace.
Que te dirai-je de notre vie et de nos occupations ? tu les devines, ton papa très actif toujours : il a détruit des abeilles dans la toiture de la maison ; travaillé à la cheminée du billard qui s’obstine à ne pas tirer ; très occupé aussi des instruments donnés par les États-Unis et dont 2 ont été donnés au syndicat de Campagne. Ce sont une faucheuse non lieuse et un râteau qui ne rendront peut-être pas d’immenses services, mais comme ils peuvent en rendre spécialement pour les foins, il importe de les mettre tout de suite en action ce qui a été un peu difficile mais est fait ; il faut aussi établir un règlement pour les utiliser tout en assurant leur bon entretien.
Pottier[10] va être chargé de leur conduite, chacun fournissant ses chevaux et payant au syndicat une location pour compenser l’usure, l’huile, &&. Toute cet organisation à laquelle ton papa et M. Brasseur[11] de Jumel ont travaillé longuement Mercredi sera soumise Dimanche à une commission et arrêtée après délibération. Tout cela n’empêche pas la correspondance quotidienne de suivre son cours et les incessantes demandes des uns et des autres, écrites ou verbales. Dommartin n’a eu encore qu’une après-midi. Sainte Maresville a 20 boches qui remplacent ses Belges.
Je t’embrasse tendrement, mon cher enfant et serai bien heureuse de te revoir. Il y a souvent des occasions où l’on voudrait avoir le don d’ubiquité !
Emy
Notes
- ↑ Jeanne Veillet, au service des Froissart.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis.
- ↑ Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote.
- ↑ Anne Marie (7 ans) et Geneviève (2 ans) Degroote.
- ↑ Georges Degroote (3 ans).
- ↑ Elise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
- ↑ Jacques Damas (Jacqui) et Marc Froissart ; Claude naîtra en décembre.
- ↑ Jacques Froissart, frère de Louis.
- ↑ Eloi Raymond Pottier.
- ↑ Probablement Louis Brasseur, de Jumel dans la Somme.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 15 juin 1917. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Brunehautpré) à son fils Louis Froissart (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_15_juin_1917&oldid=56465 (accédée le 21 novembre 2024).
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