Vendredi 15 et samedi 16 décembre 1871
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)
15 Vendredi
11h ½
Ma pauvre chère Gla,
C'est donc un panaris qui depuis 8 jours te fait souffrir, et Mercredi M. Dewulf a dû te l'ouvrir. Pauvre chérie, combien je te plains, ça dû être si douloureux, et qu'est-ce qui a pu te causer cela ? T'es-tu piquée jusqu'à l'os sans t'en apercevoir ? Et là sous l'ongle c'est encore plus douloureux pour arriver jusqu'au mal.
Soir
Pour toi quelle pénitence de ne pouvoir travailler, toi qui te tailles toujours beaucoup de besogne et qui aimes la faire, en grande partie par toi-même ! Tu en as encore pour quelque temps, et surtout c'est le froid qu'il faut éviter ; heureusement qu'aujourd'hui la température paraît changer, le thermomètre est monté à zéro ; pour maman[2] je m'en réjouis, car je suis effrayée de la savoir encore à Montmorency par cette saison. Elle ne peut plus faire travailler les ouvriers, tout au plus les menuisiers et encore les jours sont bien courts ; je pense que c'est la question ménage qui la retient, la difficulté de prendre un parti ? Il est bien heureux que papa[3] supporte si bien ses courses par cette saison.
Je voulais vous écrire ces jours derniers mais j'ai été comme toujours très occupée. Mercredi je suis allée à Mulhouse à 11h après avoir fait travailler le matin les 2 fillettes[4], puis aujourd'hui et hier occupée des enfants pauvres, prendre les mesures & ; je donnerai aux mères à faire elles-mêmes, ça a double but ; je n'ai pas le temps et puis on soigne mieux une chose qu'on a faite ; mais les étoffes que j'ai commandées comme chaque année n'arrivent pas, c'est ennuyeux. Il est 10h j'ai sommeil et suis fatiguée, je te demande la permission d'aller me coucher, mais avant je veux t'embrasser, bonne nuit
EM
Samedi 1h
La petite boîte est arrivée en très bon état, elle était depuis longtemps à Belfort, mais l'occasion avait manqué pour nous la faire parvenir. Elle a été reçue avec une hourra de joie. Le papier est charmant, de suite Emilie a voulu t'écrire, elle soupirait : « Si je n'avais pas un résumé à faire, j'écrirais à ma tante chérie ! » et cela assez haut pour que je puisse l'entendre. Alors j'ai donné ma permission et le petit chat t'a écrit, mais ce n'est pas terminé. Elle était si heureuse en recevant ta bonne et longue lettre, comme Jean[5], sa figure prend un air de si grande satisfaction quand elle lit toutes les amabilités, les compliments que tu lui adresses. D'ici à quelques jours tu recevras un paquet de petites cartes de photographies (il faut une occasion pour les envoyer à Belfort.) Ce sont les enfants, tu les partageras avec Maman (3 chacune). On en enverra une à Jean
Tu sauras que c'était dans le but de faire refaire ta très humble servante que nous étions allés chez le photographe, mais j'ai encore si mal réussi que je ne l'envoie pas à Maman, je le lui porterai quand nous irons à Paris, car c'était en grand. Il faut croire que c'est le modèle qui ne prête pas.
Merci pour le joli petit agenda, Charles[6] en le voyant a encore dit : « Cette Aglaé elle a toujours des idées. » La petite bande est arrivée très fraîchement j'écrirai à Maman pour l'en remercier.
J'aime à penser que tu ne souffres plus tant, mais je n'en suis pas sûre, je crains à cause de la position du mal sous l'ongle. On est heureux de voir le thermomètre à 0, le gaz gelait et on prévoyait beaucoup d'embarras.
Adieu, ma chérie, voilà Melchior[7]. Je t'embrasse comme je t'aime et de même de mon entourage
EM
Embrasse Maman
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff (« les enfants »).
- ↑ Le petit Jean Dumas.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Melchior Neeff concierge chez les Mertzdorff.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 15 et samedi 16 décembre 1871. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_15_et_samedi_16_d%C3%A9cembre_1871&oldid=35771 (accédée le 9 octobre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.