Samedi 9 octobre 1875
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 9 8bre 1875.
Mon père chéri,
Je te remercie mille et mille fois pour ta bonne lettre qui nous est arrivée ce matin et qui nous dit que tu vas bien ce qui comme tu sais est la chose qui peut nous faire le plus de plaisir. Je peux du reste répéter la même chose car tous ici nous nous portons à merveille. Nous avons eu comme vous un temps superbe depuis notre arrivée, mais aujourd’hui il pleut à torrent, le baromètre baisse et je crains bien que nous ne vous envoyions bientôt une partie de nos nuages. Jeudi en rentrant nous avons commencé nos devoirs et avons travaillé jusqu’à 6h ½. Bon-papa[1] et oncle Alfred[2] dînaient avec nous ; ce dernier est en train de faire construire quelque chose de nouveau à Alfort (un hangar je crois) il y va tous les matins à 7h aussi était-il très fatigué.
Bonne-maman[3] est encore à Launay elle ne va pas mal et d’après une lettre que tante[4] a reçue ce matin (et dans laquelle elle nous charge de mille choses pour toi) je crois qu’elle ne reviendra pas avant une quinzaine de jours. Hier Vendredi nous nous sommes levées à 6h ½ moi toujours réveillée par notre petit réveille-matin de Vieux-Thann c’est à dire par Emilie[5]. A peine étions-nous prêtes qu’oncle[6] est venu nous chercher pour aller avec lui ranger le grenier car la veille nous nous étions contentés du pigeonnier. Ce grand travail n’a été suspendu que pour le déjeuner et cependant il est loin d’être fini car oncle fait cela avec un ordre admirable – tu verras cela dans un mois. Après déjeuner nous nous sommes mises au travail que nous n’avons quitté qu’à 2h ½. Nous nous sommes habillées puis nous avons couru après l’omnibus qui nous a menées au Palais royal où nous portions le manteau d’Emilie à arranger. De là nous avons été à pied chez tante Target[7] où nous avons vu Mme Buffet[8] qui est de retour à Paris depuis 2 jours elle se porte bien ainsi que son petit régiment[9]. Mme Target nous a comme toujours chargées d’une quantité de choses aimables pour toi, commission qui m’est donnée souvent mais dont en général je m’acquitte fort mal. En sortant de là il était déjà tard et nous n’avons eu que le temps de prendre notre omnibus avec correspondance. Ce matin aucun fait extraordinaire n’est encore venu signaler la journée ; nous avons travaillé, à 11h ½ nous nous sommes habillées en riant beaucoup car Mumele[10] n’a pas cessé de me taquiner, puis Mlle Bosvy est arrivée, je viens de prendre ma 1re leçon et je t’écris de ta chambre sur ton bureau pendant qu’Emilie prend la sienne. Tante est très embarrassée et n’a encore rien décidé au sujet du cours d’études pour Emilie, il y a pour et contre, des avantages et des inconvénients, Emilie je crois le suivrait assez volontiers si elle y avait de ses amies mais elle n’y connaît personne pour ainsi dire et celles qui y sont, sont un peu endormies.
Quant à Jean[11] son enthousiasme continue de plus en plus il ne parle que de son collège, de ce qu’il va aller au banc d’honneur, qu’on a tiré les oreilles à Masson[12] parce qu’il faisait du bruit, que Léger est un mauvais élève, que Poirier est un bon garçon && je n’en finirais plus si je voulais te communiquer toutes ses observations personne ne l’a encore taquiné. Son frère Noël[13] est revenu d’Ecosse mais ne sait encore comment il emploiera la fin de ses vacances.
Mercredi dernier nous n’étions que 5 à mon cours je ne sais si nous serons plus nombreuses, je ne le crois pas mais j’ai Marthe Tourasse et cela me suffit. Les 3 autres sont : Hortense Biart, Louise Raquin et Marie Gastaldi. Te voilà mon bon petit père bien au courant de tous nos faits et gestes même du nom de mes compagnes de cours ce qui je pense ne doit guère t’intéresser mais c’est que vois-tu il ne nous arrive pas grand’chose d’extraordinaire et je ne sais pas bien raconter les choses ce qui fait que c’est tout de suite fini. A bientôt mon petit papa chéri que j’aime énormément, je t’embrasse de tout mon cœur et te charge d’une autre cargaison de baisers pour bon-papa et bonne-maman[14] puisque tu les verras demain.
Ta fille
Marie Mertzdorff
Les lettres mettent donc deux jours pour aller en Alsace ?
Notes
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ Alfred Desnoyers.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Eléonore Pauline Lebret du Désert, veuve de Louis Ange Guy Target.
- ↑ Marie Pauline Louise Target, épouse de Louis Joseph Buffet et fille de « tante Target ».
- ↑ Ses 7 enfants : Pierre, André, Paul, Jean, Marthe, Jacques et Philippe Buffet.
- ↑ « Mumele », l’un des surnoms d’Emilie Mertzdorff.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Possiblement le jeune Pierre Masson.
- ↑ Noël Dumas.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 9 octobre 1875. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_9_octobre_1875&oldid=42566 (accédée le 21 novembre 2024).
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