Samedi 8 juillet 1865

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)


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Vieux-Thann

8 Juillet 65

Samedi matin

Du billard entre Mimi[1] qui fait sa page d’écriture et Founi[2] qui veut lire

Ma chère petite Gla,

Vite un bout de causerie ce matin, car par des chaleurs comme celles-ci on ne peut jurer de rien et malgré le plaisir de bavarder avec toi le courage pourrait me manquer dans la journée.

Que ta lettre d’hier m’a fait plaisir. Que j’aime à les recevoir ces bonnes petites causeries.

Ce qui me réjouit c’est de voir que tu vas vraiment mieux ; que tu mènes une vie des plus fatigantes et tu ne te plains pas ; c’est le meilleur de tous les signes. Je suis bien contente que tu persistes à prendre tes douches, tu en auras certainement un bon résultat. Quant à moi je continue à aller très bien, tout le monde fait compliment à Charles[3] de ma mine ; nous prenons tous les 4 nos bains[4], ce que nous trouvons très agréable ; Founi surtout a une mine délicieuse ; elle n’a plus rien au nez ; quant à la petite irritation que j’ai eu sous les bras, c’est tout à fait passé et comme je n’ai pas de motif pour craindre les corsages ajustés, je suis enchantée que tu puisses me faire faire ma robe à la mode sans zouave[5]. Charles préfère beaucoup cela, ainsi fais-la faire comme tu dis. Je recommande à Mme Bourrelier de ne pas la faire trop longue de taille. Toutes tes emplettes sont très bien et pas trop chères ; la façon du manteau est très bon marché et chacun vante tant Mme Aglaé que la tante[6] enchantée de ses guipures voudrait bien que tu lui achètes 9 (neuf) mètres de tout ce qu’il y a de plus bas en guipure pour faire la tête de la grande et garnir la robe ; pour cette petite emplette envoie Louise[7], tu sais, il n’est pas nécessaire que tu sortes pour cela et cependant la tante est assez pressée de finir sa robe.

Je t’enverrai par maman[8] le complément de l’argent que tu as dépensé pour moi, j’espère que tu veux bien me faire crédit jusque-là.

Ta toilette lilas doit être très <gentille> ; demain tu feras la belle dame, mais il me semble que tu es des plus élégantes. Ici je mets mes robes de toile et jaconas[9] & je passe ma vie au jardin avec mes mioches[10] ; j’ai fait des petits corsages blancs pour elles ; nous travaillons avec tante Zaepffel[11], mais sans intimité, c’est le genre de Constance[12] sans le laisser-aller, bonne petite femme du reste, quant à maman Mertzdorff[13], elle est toujours charmante pour moi comme tous au reste.

Tu as bien raison de voir Céline[14], la pauvre enfant est à plaindre. Comment va M. Duval[15] ? je vois qu’on est toujours très élégant pour les petites Duval ; ici nous tenons toujours à mettre nos choux au plus simple, car les femmes des employés sont si élégantes que nous tenons à mettre les choses les plus simples possible. La fête a été très belle ici, et on se prépare encore à fêter Dimanche et Lundi. Je n’ai pas voulu danser, ça a fait plaisir à Charles, cette fête est un triste anniversaire[16]. J’ai eu 2 jours Mme Duméril[17], elle est ravie de ta lettre, mais c’est toujours tuant !! <Charles a affaire à Strasbourg, il est probable que> je l’accompagnerai et que nous pousserons jusqu’à Bade, nous serions 2 jours absents de la maison.

Je n’ai pas de nouvelles d’Alfred[18] ; il devrait commencer par Paris et venir avec Maman nous trouver. Surtout ne parlez pas à Mme Auguste[19] de votre idée pour Alfred ; tu sais et c’est vrai que Mme Auguste n’a pas une haute idée de la <sainteté> de ce directeur.

Je n’ose pas te reparler de visite au Vieux-Thann je comprends que le bord de la mer vous fera à tous plus de bien. Adieu ma chérie, je t’embrasse fort fort et mes fillettes en font autant, sœur affectionnée

Eug. M.

Charles envoie ses meilleures amitiés au cher ménage professeur


Notes

  1. Marie Mertzdorff.
  2. Marie Mertzdorff, petite sœur de Marie.
  3. Charles Mertzdorff, époux d’Eugénie Desnoyers.
  4. A Wattwiller.
  5. Voir la lettre précédente.
  6. Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  7. Louise, domestique.
  8. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  9. Le jaconas est une étoffe en coton, fine et légère.
  10. Marie et Emilie Mertzdorff.
  11. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zeapffel et sœur de Charles.
  12. Constance Prévost, épouse de Claude Louis Lafisse, cousine.
  13. Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff et belle-mère d’Eugénie.
  14. Céline Desmanèches.
  15. Alphonse Duval, époux de Bathilde Prévost et père d’Hortense et Jeanne.
  16. Caroline Duméril, la première épouse de Charles Mertzdorff, est morte le 7 juillet 1862.
  17. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril et mère de Caroline.
  18. Alfred Desnoyers, frère aîné d’Eugénie et Aglaé.
  19. Eugénie Duméril, épouse d’Auguste Duméril et sœur de Félicité.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 8 juillet 1865. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_8_juillet_1865&oldid=51663 (accédée le 9 octobre 2024).

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