Samedi 7 mai 1910
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Montreuil-sur-Mer), à son fils Louis Froissart (Douai)
Montreuil, 7 Mai
Mon cher Louis,
J’ai des remords de te laisser si longtemps sans nouvelles, car vraiment mon petit mot de l’autre jour ne compte pas.
L’agitation a été assez grande cette semaine[1] ; ton papa[2] a refait quelques conférences à Fruges, Bourthes, Hucqueliers, Beaurainville, Frencq &. Ce soir il fait la dernière à Étaples. Henri[3] et Jacques[4] ont beaucoup circulé pour assurer la surveillance des urnes, réchauffer le zèle des amis et… payer à boire. On dit que beaucoup de Devismistes[5] voteront pour ton papa, notamment des planteurs de tabac ; mais il faudrait gagner tant de voix que nous ferons plus sagement de ne pas compter du tout sur le succès, ayant d’ailleurs fait tout ce qu’il fallait pour l’assurer. Mais la pression va s’exercer plus forte encore qu’au premier tour et la lutte est vraiment impossible dans ces conditions ! Je t’engage donc à attendre sans grande émotion le résultat de la journée de demain.
Il est arrivé avant-hier une bien drôle d’histoire à Henri : près de Clenleu, à 9h du soir, Jean son chauffeur a perdu la route et s’est retrouvé dans un chemin de terre ou plutôt dans les champs. Mais là, impossible de faire demi-tour, ni marche en arrière tant la voiture enfonçait. Il Henri a dû s’en aller avec Jean à 3 2 Kilomètres chercher du secours, c’était une petite ferme isolée où l’on n’a pu leur procurer qu’un poney et 2 hommes. Le poney effrayé par le moteur ne tirait pas et cassait ses traits, si bien qu’ils ont dû par des efforts inouïs pousser la voiture à bras ! Henri s’y est bien réchauffé et je crois qu’il se souviendra de Clenleu, mais il en garde un souvenir drôle et amusant.
Je t’embrasse tendrement. Je ne puis encore rien te dire sur nos projets, car il est difficile d’en faire.
Émilie
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Samedi 7 mai 1910. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Montreuil-sur-Mer), à son fils Louis Froissart (Douai) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_7_mai_1910&oldid=59262 (accédée le 21 décembre 2024).
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