Samedi 23 juillet 1881

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Mon cher Papa,

Décidément nous ne te verrons pas ! que fais-tu, que deviens-tu, mon Père bien aimé ? Non seulement tu n’arrives pas, mais tu ne donnes plus signe de vie, depuis un mois nous n’avons eu je crois que 2 lettres de toi. Tu es triste, tu es fatigué peut-être ? oh ! dis-le à tes filles[1], elles seraient si si contentes de te voir moins malheureux et faire quelque chose pour leur papa chéri ! Maintenant que mon séjour ici[2] touche à sa fin et que je vois que tu n’es pas venu nous rejoindre je regrette pres de ne pas t’avoir consacré ce mois de Juillet, j’en ai parlé bien des fois avec tante[3], elle aussi voyant que bonne-maman[4] remettait de jour en jour son arrivée avait pensé à aller à Vieux-Thann, ce qui nous a arrêté, sais-tu ce que c’est ? la rougeole dont tu parlais dans toutes tes lettres, qui faisait fuir Hélène[5] et qui était mauvaise chez Melcher[6], à la porte de la maison. Il semblait imprudent d’y exposer Jeanne[7] et nous avions toujours l’idée que tu viendrais nous voir ici. Pourvu que tu ne sois pas souffrant ! écris-nous des petits mots, sans détails, seulement pour nous dire ce que tu fais, cela nous fera tant de plaisir ! Je me reproche aussi de ne pas t’avoir écrit davantage, mais tu sais bien n’est-ce pas comme je t’aime ? Enfin le temps passé est passé il n’y faut plus songer, laisse-moi donc te demander si tu ne viendras pas nous faire une visite à Villers ; et puis parlons de la bonne fin de vacances que nous aurons auprès de toi à Vieux-Thann, Marcel[8] fait toutes sortes de projets de travail et moi des projets de promenade pour ce temps-là. Je me réjouis de voir ma petite Jeanne installée dans notre vieille maison de façon que je puisse lui dire toujours qu’elle y a demeuré avant même qu’elle voie et qu’elle comprenne. Dans quelques mois comme l’armoire à joujoux l’attirera ; ici déjà la poupée qu’Émilie habille fait sa joie ; le chien aussi est dans ses bonnes grâces (décidément elle ne tient pas cela de moi) quand Krab[9] saute ou fait le beau notre chérie rit aux éclats un bon rire bien joyeux et bien franc qui me réjouit jusqu’au fond de l’âme et semble annoncer une heureuse et droite nature. Me voilà au bout de mon papier et je n’ai parlé de personne : sache donc que tante et Émilie sont à Paris depuis hier midi, elles assistent aujourd’hui au mariage de Jeanne B.[10] et nous reviennent ce soir. Mme Pavet[11] et Marthe[12] partent demain, enfin mon cher Marcel m’arrive Mercredi soir ou Jeudi matin, tu devines mon bonheur. Il m’a fort gâtée en m’écrivant tous les jours. Décidément dans le mariage on est bien malheureuse ou absolument heureuse et je remercie le bon Dieu de m’avoir tellement rangée dans cette dernière catégorie.

Rien n’est fixé encore pour notre départ d’ici, je pense que ce sera vers le 1er Août. Adieu je suis en retard, j’ai trop bavardé, je t’embrasse de toutes mes forces comme je t’aime.

ta fille

Marie  


Notes

  1. Marie et sa sœur Émilie Mertzdorff.
  2. À Launay.
  3. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards.
  4. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  5. La petite Hélène Duméril.
  6. Melchior Neeff.
  7. Sa fille Jeanne de Fréville.
  8. Marcel de Fréville.
  9. Krab ou Crabe, le chien d'Alphonse Milne-Edwards.
  10. Jeanne Brongniart épouse Maxime Cornu le le 23 juillet 1881.
  11. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  12. Marthe Pavet de Courteille.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Samedi 23 juillet 1881. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_23_juillet_1881&oldid=35496 (accédée le 21 novembre 2024).

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