Samedi 13 mars 1875 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1875-03-13B pages 1-4.jpg original de la lettre 1875-03-13B pages 2-3.jpg


Paris le 13 Mars 1875.

Bonjour mon petit Papa,

C’est moi qui aujourd’hui vient te donner des nouvelles de la malade et ces nouvelles consisteront à te dire qu’elle va bien et qu’elle a mangé avec beaucoup d’appétit et qu’elle trotte comme si de rien n’était.

Hier M. Dewulf[1] – Pontonnier [on dit] encore M. Wolf (car tu sais que j’aime bien à arranger les noms à ma façon), est venu me voir et m’a ordonné ton remède chéri seulement à la magnésie mais il m’en a donné si peu que l’effet n’ a été pour ainsi dire nul de façon que tante[2] ne sait pas s’il ne faudra peut-être pas recommencer. Enfin pour l’instant je vais bien et c’est tout ce qu’il faut. Et toi mon petit Papele chéri comment vas-tu ? penses-tu déjà à venir nous voir tu sais que Pâques est le 28 et que nous sommes déjà le 13 par conséquent si je sais assez calculer il n’y a plus que 15 jours jusque là. Quel bonheur de te revoir.

Mon petit papa chéri, sais-tu que je n’ai pas grand’chose et même rien à te dire car Founi[3] t’a écrit hier et elle ne doit pas avoir laissé passer la plus petite nouvelle. Après sa lettre elle est sortie avec Cécile[4] tandis que tante restait avec moi et me faisait la lecture puis elle est rentrée, après le dîner on est monté dans ma chambre où on a passé la soirée ; tu vois cela d’ici moi j’étais dans mon lit, tante mise sur le pied dormait tandis que Jean[5] et Emilie s’évertuaient à sauter et s’asseoir sur le montant du bout du lit, oncle[6] était assis sur l’autre lit et dès que l’un des pauvres petits était arrivé à son poste élevé il le chatouillait si bien qu’il n’avait rien de plus pressé que de dégringoler et ainsi de suite les culbutes se succédaient sans interruption au grand bonheur des 2 petits sauteurs. Enfin à 9h ½ tout est rentré dans le calme et nous nous sommes endormies pour ne nous réveiller qu’à 7h ½, heure à laquelle tante m’a apporté mon verre ; seulement à ma grandissime joie le bouillon aux herbes est aboli et remplacé par du thé très léger ce qui est excellent.

A 10h j’ai eu MlleDuponchel[7] mais nous n’avons pas été chez Mme Roger[8] ; Emilie a été jouer chez Marthe[9] tandis que je restais avec tante. Il est actuellement 3h, tantine vient de sortir et moi je vais travailler car j’ai beaucoup à faire mon analyse est à peine commencée et c’est demain Dimanche et il en est de même de mes autres devoirs cette semaine j’ai à préparer mon concours d’histoire pour les prix sur 169 pages ; j’ai 200 n°s de grammaire à repasser 16 chapitres d’histoire naturelle et en arithmétique toutes les fractions à revoir ce qui équivaut à une cinquantaine de pages d’une aridité rare.

Heureusement que j’ai bien étudié ces choses et qu’elles me donneront pas de peine à revoir. Le temps est très doux aujourd’hui mais hier il faisait froid ~ɞɠٯۍ.

En ce moment-ci j’aime beaucoup faire des enjolivures à la fin des mots quand j’écris.

Je dessine une petite tête d’ange de Pérugin.

Adieu my dear Father I wish you a good night[10] je ne sais pas trop si c’est bien [mais] c’est tout ce que je sais d’anglais ; je t’embrasse de tout cœur ta plus grande fille.

Marie

J’embrasse bien fort mon cher bon-papa et ma chère bonne-maman Méhil[11].


Notes

  1. L.J.A. Dewulf, médecin.
  2. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  3. Founi, Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  4. Cécile, bonne des demoiselles Mertzdorff.
  5. Jean Dumas.
  6. Alphonse Milne-Edwards.
  7. Marie Louise Duponchel, professeur de dessin.
  8. Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
  9. Marthe Pavet de Courteille.
  10. « Mon cher Père je te souhaite une bonne nuit ».
  11. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril (allusion à son ancienne prononciation enfantine).

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 13 mars 1875 (B). Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_13_mars_1875_(B)&oldid=35336 (accédée le 15 novembre 2024).

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