Dimanche 14 mars 1875

De Une correspondance familiale

Lettre d’Aglaé Desnoyers et de son époux Alphonse Milne-Edwards (Paris) à leur beau-frère Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1875-03-14 pages 1-4.jpg original de la lettre 1875-03-14 pages 2-3.jpg


Dimanche 14 Mars

1875

Mon cher Charles,

Ainsi que Marie[1] vous l’a écrit hier[2] elle va tout à fait bien, elle apprend en ce moment son Évangile avec une si grande activité qu’on ne s’entend plus dans la chambre, je crois que cette légère purgation lui aura fait du bien car elle a bonne mine ce matin ; du reste elle n’a nullement été malade et n’a pas cessé d’avoir bon appétit ; seulement nous vous écrivons si minutieusement tout ce qui se passe, que nous ne laissons pas la plus légère indisposition sans de suite vous en faire part. Aujourd’hui Émilie[3] ne viendra pas au catéchisme elle est un peu enrhumée et j’aime mieux qu’elle ne reste pas longtemps à l’Église. Surtout ne vous tourmentez pas car elle a bonne mine et ce n’est qu’une exagération de ma part, mais je tiens tellement à vous les conserver en bonne santé que j’en suis tout à fait ridicule.

J’ai été interrompue dans mon bavardage ce matin l’heure de la messe étant arrivée. Je reprends la plume presque à l’heure de la poste, je vais avoir à peine le temps de griffonner ces 3 pages

on frappe ! c’est une visite, vite Aglaé[4] se précipite pour recevoir ses invités et je prends la plume afin de vous dire un petit bonjour et vous donner des nouvelles de tous et de chacune. Elles sont toutes là avec Hortense[5], discutant, disputant, criant et cherchant quelle petite pièce de comédie on pourrait bien jouer pendant les congés de Pâques. La grande difficulté réside surtout dans les costumes ; il n’est pas facile de trouver une pièce jouée par des femmes seulement et la question des culottes est bien préoccupante, il y a autant d’avis différents que pour les lois constitutionnelles mais je crois que grâce à d’immenses robes de chambre et à de vastes paletots de fourrure tout pourra s’arranger et que l’on arrivera à une entente : on serait en très petit comité, à peu près comme à Port-en-Bessin[6] par conséquent les costumes peuvent être un peu lâchés. Je propose de mettre une étiquette sur le dos d’une actrice, portant : « ceci est un homme de 47 ans » l’illusion serait complète.  

Seulement on ne se consolera jamais si vous n’êtes pas là, car je ne vous cacherai pas que ces demoiselles avaient concocté tout cela à votre intention et l’annonce de l’inventaire a été fort mal reçue ; on espère qu’il y aura moyen de prendre quelques jours et de venir faire une petite visite.

Marie vous écrira dans ce sens et je suis sûr qu’elle plaidera sa cause mieux que je ne pourrais le faire. Vous savez combien vous nous faites plaisir chaque fois que vous revenez avec nous ; en votre absence, la famille n’est plus au complet ; mais nous n’osons pas insister parce que nous savons qu’il n’est pas toujours possible de faire ce que l’on désire, on n’est pas son maître. A bientôt n’est-ce pas ?     

Nous vous souhaitons bonne santé et prompt retour. Émilie et Marie chargent ce papier de vous porter de bons baisers et je vous envoie en mon nom et en celui de Tante de bien cordiales amitiés,       

Votre bien affectionné                

A. Milne-Edwards   


Notes

  1. Marie Mertzdorff.
  2. Lettre du 13 mars.
  3. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  4. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (« tante »).
  5. Hortense Duval.
  6. Port-en-Bessin, lieu des vacances estivales en 1872.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 14 mars 1875. Lettre d’Aglaé Desnoyers et de son époux Alphonse Milne-Edwards (Paris) à Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_14_mars_1875&oldid=59459 (accédée le 15 novembre 2024).

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