Samedi 13 mars 1858

De Une correspondance familiale

Lettre de Caroline Duméril (Paris) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre)


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13 Mars 1858

Tu comprends n'est-ce pas, ma chère Isabelle pourquoi j'adresse la lettre à Lionel[1] plutôt qu'à toi car je suis sûre que cela lui fera plus de plaisir. D'ailleurs je n'emploie pas mon grand papier parce que je n'ai rien de bien intéressant à te dire, sortant très peu et ne voyant pas grand monde, je suis je te l'assure moins mondaine que toi. J'ai reçu ce matin une lettre de Matilde[2] qui me dit qu'on a été très endormi cet hiver à la Côte ; il me semble pourtant que vous avez su vous amuser un peu. M m'a bien fait rire en me racontant que les politesses de Mme D. obligeraient sans doute ce malheureux Émile[3] à assister à la leçon de danse, l'infortuné ! quant à Edmond[4] il y va je pense de meilleur cœur et ces leçons-là doivent fort ressembler à des soirées. M est vraiment très drôle dans sa manière d'écrire et ses lettres me font grand plaisir, remercie-la bien pour moi je te prie. J'ai bien accueilli ton bout de causerie l'autre jour et c'est fort beau à moi car la mesure n'était guère pleine, c'était presque une part d'enfant et moi j'ai bon appétit et aime fort les gros morceaux ; pourtant je te remercie d'avoir trouvé le temps de prendre ta plume et au fond, va, je trouve que tu es bien gentille avec moi et ton amitié me rend bien heureuse. Rien de nouveau sous notre ciel Parisien, en attendant la fameuse éclipse de Lundi[5], la plus belle du 19e siècle et dont vous jouirez dit-on au Havre bien plus encore que nous. Il est probable que vos animaux iront se coucher croyant la journée finie. Quant à nous nous comptons rester bien éveillés. Ma tante[6] va bien mieux. Adèle[7] toujours clopin-clopant perchant toujours sur une patte comme les grues mais assez bien pour reprendre ses leçons de piano !!! M. Cordier va partir pour une grande expédition ; il va en Grèce, à Smyrne, en Perse, à la recherche de l'homme type, de la nature à son berceau ; j'appelle cela faire un tour au Paradis Terrestre ; il sera parti peut-être 10 ou 12 mois et le gouvernement lui accorde 700 F par mois pour ses frais. Ce voyage attriste beaucoup sa femme[8] qui d'ailleurs n'est pas très bien portante.

J'ai vu hier une dame, amie des Duval[9] qui nous a donné de leurs nouvelles. Le second petit Sautter[10] est souffrant ; sais-tu qu'on en attend un troisième ?

On dit dans le journal que votre <photographe> de la jetée a brûlé et que le feu a manqué atteindre la ménagerie ; M. Hébert a déclaré qu'en ce cas il aurait lâché ses bêtes féroces dans la ville. Je vous félicite de cette louable résolution il faut avouer que les gens qui ont de la présence d'esprit sont bien utiles à leurs concitoyens. A la première panthère que vous rencontrerez dans les rues, vous saurez de suite qu'il faut envoyer les pompiers sur la jetée.

Quel temps nous avons eu pour la mi-carême, il y avait pourtant de beaux déguisements ; les reines des marchés et bateaux de blanchisseuses dont c'est la fête s'étaient mis en grand frais. La reine des Halles centrales avait dit-on, une robe de 400 F, elle était représentée par une marchande de poissons ; le pacha était le premier garçon de la Halle aux beurres.

Voilà bien du bavardage, et il faut que je te quitte car l'heure me presse, presse, presse.

Adieu, mille tendresses de ton amie et cousine

Caroline

O V X


Notes

  1. Lionel Henry Latham, jeune frère d’Isabelle.
  2. Louise Matilde Pochet, cousine d’Isabelle Latham et de Caroline Duméril.
  3. Émile Pochet, frère de Louise Matilde.
  4. Richard Edmond Latham, frère d’Isabelle.
  5. Éclipse de soleil du 15 mars 1858.
  6. Eugénie Duméril.
  7. Adèle Duméril, cousine de Caroline.
  8. Félicie Berchère, petite-fille de Florimond Duméril l’aîné, a épousé le sculpteur Charles Cordier en 1851.
  9. Famille de Charles Edmond Raoul Duval et son épouse Octavie Say. Leur fille Lucy a épousé en 1853 Louis Sautter.
  10. Édouard Sautter ; son frère Raoul naît en juillet.

Notice bibliographique

D’après l’original

Annexe

Mademoiselle Isabelle

Pour citer cette page

« Samedi 13 mars 1858. Lettre de Caroline Duméril (Paris) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_13_mars_1858&oldid=60894 (accédée le 22 décembre 2024).

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