Samedi 11 février 1871 (A)
Lettre de Félicité Duméril (Morschwiller) à sa sœur Eugénie Duméril après la mort de son époux Auguste Duméril (Paris)
Lettre de Félicité Duméril.
Morschwiller 11 Février 1871.
Que d’émotion nous avons éprouvée, en lisant ta chère lettre, ma bonne Eugénie ! Par la pensée, nous suivions constamment Auguste[1], dans les diverses phases de sa maladie, et nous nous représentions tout ce qui s’est passé, tel que tu nous le dépeins si bien. Sa nature, affectueuse et tendre, lui faisait mettre un si vif intérêt à toutes choses ! Le bien qu’il a fait pendant sa vie, son infatigable charité pour les pauvres, lui méritent maintenant la grande récompense, auprès de Dieu. Aussi, les malheureux sont ceux qui restent, sur cette triste terre.
Que de secousses, que de tourments, nous avons éprouvés, et que de craintes nous a causées le bombardement de Paris. Pauvre Julien[2] ! lui, si bon, si appliqué à tous ses devoirs, aimé et estimé de chacun, il fallait donc qu’il fût enlevé à la fleur de l’âge, et, comme tu le dis, sa mort a été héroïque, par la manière dont il a supporté ses souffrances. Notre bon neveu Paul[3] a recueilli ses dernières paroles, dont il gardera toujours le souvenir, et je suis sûre que M. et Mme Desnoyers[4] éprouvent pour Paul un sentiment particulier d’affection, en songeant que c’est dans son cœur que leur tendre fils a déposé ses dernières pensées.
Constant[5] et moi avons cru de notre devoir d’envoyer ta lettre à Eugénie[6], qui ne doutait plus de la mort de son pauvre frère, depuis ce qui avait été dit. Je vais te copier ce qu’elle m’a répondu, parce que tu y trouveras un aliment de plus à ta foi. Est-il rien de plus doux pour le cœur que l’expansion des sentiments d’une femme qui est une vraie chrétienne.
- « Chère bonne-Maman[7],
- Merci de nous avoir envoyé la lettre de Mme Auguste[8] : Je n’ai encore rien reçu de Paris, et toute navrante qu’est la lettre de votre pauvre sœur, je préfère l’avoir lue. Elle renferme bien de navrants détails, mais, en ce moment, on se doit la vérité, et on ne peut trouver de soulagement aux douleurs, qui accablent tant de pauvres cœurs, que dans le sentiment chrétien. Prions Dieu qu’Il ait pitié de nous, qui restons encore sur la terre, pour combattre, et qu’Il fasse miséricorde à toutes ces chères âmes, qu’Il a appelées à Lui. »
Nous avons de bonnes nouvelles de Léon[9] : que Dieu garde notre cher fils, nos chers neveux Georges[10], Félix[11], Charles de Torsay[12] : sois notre interprète auprès de Louis Sautter[13], d’Anatole Dunoyer[14], pour leur exprimer la part que nous prenons à leur peine. Ne nous oublie pas auprès de Fideline, de Valery[15] : exprime-leur, à tous deux, toute notre amitié.
Adèle[16] est là, pour te soutenir, ma bonne Eugénie : auprès d’elle, tu reprends de la force et de la tranquillité. Remercions Dieu que les chers petits enfants[17] soient restés bien portants, malgré tant de privations. Qu’on retrouve bien ton bon mari, dans ce qu’il a dit, au sujet du souvenir qu’il laisse à son frère[18].
Adieu, bien chère Eugénie. Nos chères fillettes[19] vont bien, et deviennent chaque jour plus gentilles : elles mettent un baume sur les cœurs éprouvés.
Nous t’embrassons bien fort, ainsi que mon frère[20] et Adèle.
F. Duméril.
Notes
- ↑ Auguste Duméril.
- ↑ Julien Desnoyers.
- ↑ Paul Duméril.
- ↑ Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril, époux de Félicité Duméril.
- ↑ Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff.
- ↑ Félicité Duméril.
- ↑ Eugénie Duméril, veuve d’Auguste Duméril.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Georges Duméril.
- ↑ Félix Soleil, époux d’Adèle Duméril.
- ↑ Charles Courtin de Torsay.
- ↑ L’épouse de Louis Sautter, Lucy Raoul-Duval, est décédée en 1870.
- ↑ La mère d’Anatole Dunoyer, Clarisse Ghiselain, est décédée en 1870.
- ↑ Probablement Fideline Cumont, épouse de Théophile (Charles) Vasseur, et son frère Valéry Cumont, époux d’Esther Le Lièvre.
- ↑ Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil.
- ↑ Marie, Léon et Pierre Soleil.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Charles Auguste Duméril.
Notice bibliographique
D’après le livre de copies : Lettres de Monsieur Auguste Duméril 2me volume (pages 662-665)
Pour citer cette page
« Samedi 11 février 1871 (A). Lettre de Félicité Duméril (Morschwiller) à sa sœur Eugénie Duméril après la mort de son époux Auguste Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_11_f%C3%A9vrier_1871_(A)&oldid=52324 (accédée le 9 décembre 2024).
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