Mercredi 5 août 1868

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1868-08-05 pages1-4.jpg original de la lettre 1868-08-05 pages2-3.jpg


Villers-sur-Mer

5 Août 68

1h

Mon cher Charles,

Avant d’aller sur la Plage avec les enfants[1] je trouve juste de venir faire une petite visite à pauvre délaissé qui, je le crains bien, philosophe beaucoup trop à lui tout seul.

Je te vois si bourrelé d’affaires, si travaillé par la boutique et par la chose publique que je n’ose rien dire ; je sens que tu ne jouirais peut-être plus tant de ta liberté ? et cependant ce serait si bon de te voir encore ici avec les enfants jouir de ces derniers jours de vacances ? faire une petite pêche à la crevette avec l’oncle Alphonse[2] ? A propos si tu reviens apporte un vieux pantalon de laine et une de tes chemises de flanelle pour la susdite chose. Tu me demandes quand nous devons quitter ? mais c’est à toi, mon Ami, à le décider. Tu sais nous avons la maison jusqu’au 15 au matin, elle est relouée à partir de ce jour. Les Edwards n’ont rien arrêté non plus. Aglaé[3] se trouve très bien de la mer et elle se demandait si plutôt, elle ne prendrait pas une chambre dans la maison où on a loué pour Mme Dumas[4], pour 2 ou 3 jours à partir du 15 pour laisser passer les fêtes à Paris, mais tout cela est vague. M. Edwards[5] part ce soir, et Alphonse revient probablement Samedi soir ; Maman[6] n’a pas l’air disposée à nous renvoyer Julien[7] quoiqu’elle trouve que ça lui a fait beaucoup de bien. Il n’y a plus moyen de trouver place maintenant dans les hôtels tant il y a de monde. T’ai-je dit que j’avais pris 3 bains ; je me suis sentie si fatiguée que je n’ai pas continué, j’essaierai encore une fois quand tu seras là. Marie est toujours passionnée pour son bain, on voit que ça lui convient.

Nos fillettes sont bien gentilles et bien sages, et bien câlines avec moi ; j’ai les caresses du papa et de la maman ; c’est moi qui te rendrai cela en gros et en détail. Le temps est délicieux aujourd’hui, ni vent ni soleil, la mer est superbe. Quels admirables clairs de lune nous avons eus ces soirs derniers. Demain, comme je te l’ai dit, nous allons à Bourguignolles en voiture, les enfants se réjouissent d’être de la partie. Madame Dumas reste avec ses enfants[8].

Quand tu es à Vieux-Thann tu ne peux avoir un instant à toi. Je comprends que pour toi, et surtout Thérèse[9] vous ne devez pas aimer beaucoup les surprises en l’absence de Madame[10] et cependant elles me paraissent très fréquentes. Veux-tu demander à Thérèse si elle a fait mettre les chambres du haut en couleur ? J’aimerais aussi qu’on mît sitôt ton départ nos chambres, les corridors et la grande salle à manger à l’encaustique à l’essence afin que l’odeur soit partie pour notre retour. Qu’elle en fasse demande de cet encaustique cirage chez M. Bulffer.

Veux dire aussi à tante Georges[11] que je désire que la nouvelle femme de chambre Victoire vienne de suite à la maison, elle m’avait dit qu’elle entrerait le 12. Veux-tu prévenir Thérèse qu’elle la fasse coucher dans la chambre de Julien, jusqu’à mon arrivée, parce que je ne veux pas lui donner la chambre de Marie. Elle aidera au nettoyage de la maison, car je vois bien que sitôt notre retour, nous aurons du monde et il faut que tout soit en ordre. Voudras-tu atteindre dans le bas de l’armoire aux draps un paquet de tabliers bleus et un paquet de tabliers de cuisine (le tout taillé) qui sont à faire et que tu voudras donner à Thérèse pour que Victoire les fasse, dans la salle à manger, en attendant notre retour.

J’ai encore 1 200 F, prends 1 000 F avec toi pour plus de sûreté.

Bonne-Maman Duméril[12] n’a pas répondu aux enfants ! cela m’étonne, comment vont-ils tous ?

Adieu, mon chéri, je t’embrasse bien fort et n’écrirai pas demain.

Ta petite femme

Eugénie M.

Les enfants t’envoient toutes leurs caresses.


Notes

  1. Les fillettes Marie et Émilie Mertzdorff.
  2. Alphonse Milne-Edwards.
  3. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  4. Cécile Milne-Edwards épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  5. Henri Milne-Edwards.
  6. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  7. Julien Desnoyers.
  8. Noël et Jean Dumas.
  9. Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
  10. Eugénie elle-même.
  11. Élisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  12. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Mercredi 5 août 1868. Lettre d’Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_5_ao%C3%BBt_1868&oldid=60078 (accédée le 18 décembre 2024).

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