Mercredi 5 Février 1879

De Une correspondance familiale


Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1879-02-05 pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-02-05 pages 2-3.jpg


Mercredi 5 Février 1879

Que je te remercie, mon bon père, de la gentille lettre que j’ai reçue Dimanche et qui nous donne des nouvelles si satisfaisantes de toute la famille, en commençant par toi. Ici on guérit les rhumes tout doucement, pour Marie[1] il y a longtemps qu’il n’en est plus question, mais tante[2] a été prise depuis et c’est surtout ce pauvre oncle[3] qui a de la peine à se débarrasser de sa grippe, il n’a pas encore recommencé son cours. M. Edwards[4] et moi qui avions jusqu’à présent échappé à l’influence générale avons été pris Dimanche, je crois que pour moi cela se bornera à un rhume de cerveau.

Nous avons été dîner hier chez Mme Lafisse[5] où oncle a fait la connaissance de M. Aubry[6]. Il n’y avait à dîner que des amis des Lafisse : un gendre de Mme Algan, et un M. et une dame Souby[7] dont j’ai souvent entendu parler par Hortense mais que je ne connaissais pas. Bon-papa[8] et oncle Alfred[9] y étaient aussi ; ce dernier m’a chargée de te dire que le livre de chimie que tu lui as prêté l’intéresse beaucoup quoiqu’il soit obligé de le traduire à l’aide du dictionnaire et qu’il t’en remercie bien. Après le dîner, nous avons joué aux cartes, j’ai gagné 2 F 50, oncle à peu près autant, toutes les autres personnes ont perdu. Nous sommes rentrés vers minuit.

Hier tante a eu la visite de mon cousin Paul Duméril qui est venu avec sa femme[10] passer quelques jours à Versailles entre deux audiences. Il nous a donné de très bonnes nouvelles de tout le monde mais sa femme était restée auprès de ses parents[11]. Ils sont arrivés Dimanche et repartent demain, aussi n’aurons-nous pas le temps d’aller les voir à Versailles, c’est bien dommage. Nous avons eu aussi la visite de Mme Gastambide[12] et de sa fille, Mme Chauvet[13], elles nous ont chargées de toutes leurs amitiés pour bon-papa et bonne-maman[14] ; et je les leur envoie par ton entremise.

Tu sais qu’il y a quelque temps oncle a écrit à Jean[15] en imitant mon écriture et ma signature pour lui faire croire que c’était une lettre de moi ; Jean a été complètement dupe et il vient de m’écrire en anglais pour me remercier de ma lettre et du journal anglais que je oncle lui ai a envoyé en même temps et que comme j’aurais dû l’avoir fait depuis longtemps. Je ne l’ai pas encore détrompé sur l’origine de la lettre, et je me réjouis beaucoup de sa surprise. Il pleut toujours à Arcachon, mais il ne fait pas froid.

J’oubliais de t’annoncer la grande nouvelle, ma bibliothèque est arrivée ! mais figure-toi qu’on l’a faite en chêne au lieu de la faire en bois noir. Elle est très jolie mais oncle trouve que ce serait trop disparate dans notre salon où nous avons déjà du bois noir, de l’acajou et du palissandre ; le chêne jurerait peut-être trop, aussi tante a-t-elle écrit tout de suite pour qu’on la change. Tante la trouve très jolie de forme et je crois qu’elle sera vraiment commode, je me réjouis beaucoup d’y installer tous mes livres. Mon papa chéri, tu m’as vraiment trop gâtée en me donnant un si beau meuble, et je ne peux pas croire qu’il soit à moi.

Adieu mon petit père, je t’embrasse de tout mon cœur et j’en fais autant pour bon-papa et bonne-maman[16].
Ta fille Émilie.

Marie me fait observer que tu vas être très surpris que j’aie été chez Mme Lafisse puisqu’elle t’avait dit[17] qu’il n’y avait pas de place pour moi ; mais il y avait une personne qui manquait et tante Constance a très aimablement écrit à tante de m’amener puisqu’il y avait une place de plus et tu vois que j’en ai profité pour faire de très bonnes affaires financières.


Notes

  1. Marie Mertzdorff, sœur d’Émilie.
  2. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  3. Alphonse Milne-Edwards.
  4. Henri Milne-Edwards.
  5. Constance Prévost, épouse de Claude Louis Lafisse.
  6. Hortense Duval, nièce de Mme Lafisse, va épouser Marcel Aubry.
  7. Probablement Albert Soubies et son épouse Hélène Gault.
  8. Jules Desnoyers.
  9. Alfred Desnoyers.
  10. Marie Mesnard, épouse de Paul Duméril.
  11. Louis René Auguste Mesnard et son épouse Élise Marie Gabrielle Suzanne Cheurlin.
  12. Émilie Delaroche, épouse d’Adrien Joseph Gastambide.
  13. Adrienne Gastambide, épouse d’Alphonse Chauvet.
  14. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  15. Jean Dumas.
  16. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  17. Voir la lettre du 3 février.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 5 Février 1879. Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_5_F%C3%A9vrier_1879&oldid=59501 (accédée le 28 mars 2024).

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