Mercredi 4 et jeudi 5 août 1909

De Une correspondance familiale



Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (La Bourboule), à son fils Louis Froissart (Coblence en Allemagne)


Fs1909-08-04 pages1-4 Emilie.jpg Fs1909-08-04 pages2-3 Emilie.jpg Fs1909-08-05 Emilie.jpg


La Bourboule, 4 Août

Mon cher petit Louis,

S'il faut en croire ta laconique petite carte, tu vas résider à Coblentz[1]. Nous pourrons donc te suivre par la pensée plus facilement puisque nous connaissons le pays. Tu vas voir tous les jours le Rhin dans toute sa Majesté car il est large et beau à Coblentz avec la Moselle qui s'y jette. Tu vas voir aussi dans toute sa majesté, et je t'en félicite moins, pauvre petit français, la colossale statue de l'empereur Guillaume[2] et je ne doute pas que le sang alsacien ne se réveille en toi dans toute sa force et sa vigueur et que tu ne prennes au pied de cette statue les plus farouches sentiments de patriotisme. Et pour en faire preuve il n'est pas nécessaire de porter exclusivement les armes, on peut, chacun dans sa petite sphère, montrer un très réel et très utile patriotisme en cherchant à se rendre utile à son pays dans la voie que l'on se choisit que ce soit par des découvertes scientifiques ou par tout autre moyen.

Que te dirai-je de nous? Nous menons la vie que tu connais de plus en plus absorbée le matin par les traitements qui s'allongent un peu pour chacun et par les soins du ménage, un peu aussi par la correspondance. C'est pendant le bain de Madeleine[3] que je t'écris. Elle n'est séparée de l'autre salle de bain que par un rideau et l'autre baignoire doit être, si la voix ne me trompe pas, occupée par une vieille dame et grosse (Pourquoi grosse, je n'en sais rien) qui se fait frotter énergiquement les omoplates par la baigneuse. Jacques[4] doit aussi soigner ses efflorescences par les pulvérisations et les bains. C'est une idée de maman qu'il enverrait volontiers promener à tous les... mais en garçon docile il s'est laissé conduire hier chez le Docteur. Je lui ai persuadé qu'il ne trouverait jamais à se marier avec un nez aussi fleuri ! Est-ce pas vrai?

Nous avons fait hier une belle promenade en auto avec le jeune d'Aillières[5] qui est resté ici une semaine de plus que sa mère[6] et ses frères[7]. Il part demain et nous après-demain. Du moins Madeleine Michel[8] et moi nous nous mettrons en route à 1h pour coucher à Toulouse et arriver à Tarbes à midi Samedi. J'y laisserai Madeleine afin de filer tout de suite sur Cauterets et commencer mon traitement Dimanche. Avec 19 jours je pense que je viendrai à bout de ma vilaine gorge. Ton papa, J. et P.[9] resteront ici jusqu'au 15 et viendront nous rejoindre avec l'auto en s'arrêtant en route. Je ne les attends pas avant le 19 ou le 20.

Donne-nous souvent de tes nouvelles, tantôt à ton papa et tantôt à moi. Je t'enverrai mon adresse aussitôt que j'en aurai une, mais jusque-là tu peux écrire poste restante à Cauterets Hautes Pyrénées. J'ai hâte d'avoir quelques détails sur toi. Je t'embrasse tendrement, enfant chéri. Tout le monde t'envoie des amitiés plus ou moins popotesques.

Émilie

Jeudi matin

Encore pas de lettre de toi ce matin ! que deviens-tu, où es-tu ? je t’en prie donne-nous des nouvelles. Voilà 7 6 jours que tu es parti de la Bourboule et nous n’avons qu’une pauvre petite carte fort laconique où je ne suis même pas sûre de lire ton adresse. Allons un peu de courage pour prendre la plume.


Notes

  1. Coblentz, orthographe mi-française (Coblence), mi-allemande (Koblenz).
  2. Guillaume Ier, roi de Prusse, empereur d’Allemagne (1797-1888).
  3. Madeleine Froissart.
  4. Jacques Froissart.
  5. Bernard Caillard d’Aillières.
  6. Louise Marie Gérard, veuve de Fernand Caillard d’Aillières.
  7. Probablement François et Henri Caillard d’Aillières.
  8. Michel Froissart.
  9. Damas Froissart et ses fils Jacques et Pierre.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Mercredi 4 et jeudi 5 août 1909. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (La Bourboule), à son fils Louis Froissart (Coblence en Allemagne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_4_et_jeudi_5_ao%C3%BBt_1909&oldid=58664 (accédée le 26 avril 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.