Mercredi 30 mars 1814
Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à ses parents François Jean Charles Duméril et Rosalie Duval (Amiens)
n°227
je vous ai écrit hier à la hâte, mes chers parents, pour vous donner de nos nouvelles mais j’ignore si ma lettre aura pu vous parvenir parce que vu l’heure du départ du courrier les ennemis s’étaient portés du côté de Saint Denis[1]. aujourd’hui ils paraissent se diriger vers les barrières du trône et Saint Martin. depuis cinq heures du matin nous entendons de vives canonnades et décharges de mousqueterie. nos troupes occupent les hauteurs de belleville - Pantin - Chaumont et Montmartre et c’est de là que l’artillerie se fait entendre. une de mes connaissances officier en uniforme a pu se porter en avant à cause de son uniforme et il a vu tomber des boulets dans le bassin de l’ourcq à la villette. la garde Nationale est sous les armes pour maintenir l’ordre et la tranquillité, il ne paraît pas qu’on veuille la faire sortir des murs. l’impératrice[2] et le Roi de Rome ont quitté hier la ville à neuf heures du matin. les principaux fonctionnaires ont également quitté Paris. on dit l’empereur se portant sur le derrière de l’ennemi mais on ne l’assure pas. j’ai été faire mon service ce matin à l’hôpital. j’ai été arrêté sur la route par la garde bourgeoise parce qu’on me prenait pour un curieux. je suis rentré immédiatement après. Madame DelaRoche, sa sœur[3], ma femme[4] et une jeune demoiselle de Sceaux[5] à laquelle nous avons offert un asile sont ici aussi tranquilles que nous pouvons le désirer. M. DelaRoche de Nantes[6] se décide à rester avec nous jusqu’après l’événement. je vais sortir avec ma voiture pour aller voir deux ou trois malades pressés et me rendre à l’école de médecine où je suis convoqué extraordinairement. je passerai chez le général Dejean[7] que j’ai vu hier et chez lequel on n’avait pas de nouvelles depuis le 25. peut-être en aura-t-on reçu hier soir car il paraît qu’on en a eu de l’empereur à la date du 28. nous avons des provisions de vivres pour 15 jours au moins. notre argenterie est en lieu de sûreté à ce que nous espérons, nous n’avons pas caché autre chose. on assure que Marseille a été pris ainsi que Lyon ce qui est certain.
Nous vous embrassons tendrement
le 30 à 11h.
C.D.
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 3ème volume, p. 117-119)
Annexe
A Monsieur
Monsieur Duméril père
Petit rue saint Rémy n°4 à Amiens
Somme
Pour citer cette page
« Mercredi 30 mars 1814. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à ses parents François Jean Charles Duméril et Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_30_mars_1814&oldid=35176 (accédée le 5 décembre 2024).
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