Mercredi 2 octobre 1878

De Une correspondance familiale


Lettre d’Aglaé Desnoyers (épouse d’Alphonse Milne-Edwards) (Nogent-le-Rotrou-Launay) à Marie et Emilie Mertzdorff (chez leur père à Vieux-Thann)


original de la lettre 1878-10-02 pages 1-4.jpg original de la lettre 1878-10-02 pages 2-3.jpg


Je ne suis pas contente, ma petite Marie de savoir que ton rhume n’est pas encore tout à fait terminé. Je ne veux pas que tu lises haut du tout, et je tiens à ce que tu te gargarises régulièrement matin et soir. Je voudrais qu’Emilie[1] me dise quelle mine tu as et si tu tousses réellement ou si seulement tu fais comme dans les derniers jours de ton séjour à Paris.

En effet, mon enfant chérie, il est très ennuyeux d’oublier ce qu’on sait, mais ne te tourmente pas ; en lisant, tout ce que tu as appris te [redescendra] ; tu es encore bien jeune et tu dois encore travailler. Tu es comme tout le monde, et tu ne fais nullement exception à la règle, lorsqu’à ton âge on ne continue pas à s’occuper de choses sérieuses, on ne sait plus rien en fort peu de temps ; si au contraire on emploie bien ses journées et si on ne tombe pas dans les lectures frivoles, on acquiert beaucoup. Ce qui me désolerait ce serait de vous voir choisir des livres amusants, qui ne vous apprennent rien et qui, sans être mauvais, vous retirent le goût de tout ce qui peut être utile. Mais je n’ai pas peur, mes deux filles chéries sont trop raisonnables pour se laisser aller à suivre les conseils des uns et des autres, je n’ai donc pas besoin de faire la sévère.

J’ai su par le frotteur[2] que Madame Arnould[3] revenait le 5 à Paris ; je pense qu’elle désire que ses enfants retournent à l’exposition avant la rentrée, qui du reste arrive bien rapidement.

Le beau temps est revenu, le soleil cherche à percer le brouillard qui couvre la ville et une partie de la route. J’ai profité de ma liberté pour descendre à la messe de 7h. Personne ne s’aperçoit de mon absence si ce n’est Crabe[4] que cela désole ; il n’aime pas rester seul et lorsque j’arrive il me fait une trop grande fête, dans sa joie il saute à la hauteur de ma figure qu’il me caresse avec ses pattes. Je lui pardonne vu sa bonne intention. En l’absence d’Alphonse[5] je couche dans la chambre de maman[6] afin qu’elle ne soit pas seule la nuit ; mais elle dort si bien qu’elle ne se réveille pas lorsque je me lève ; je passe de suite dans ma chambre où j’ai laissé Crabe ; et je fais ma toilette en sa compagnie, ce qui paraît lui être fort agréable. Vos lettres sont bien longues à m’arriver, j’ai reçu hier Mardi celle de Marie écrite Dimanche ; je crains que les miennes ne soient pas plus actives ; je tâche cependant de les envoyer toujours à Nogent avant Midi, c’est-à-dire avant que le facteur ne soit venu à Launay, car il est souvent 1h1/2 lorsqu’il y arrive. Quoiqu’il ne fasse pas froid et qu’on puisse ouvrir les fenêtres, on fait du feu dans la bibliothèque et dans la chambre de maman. J’ai reçu une longue lettre de Marthe[7] qui était dans la joie de la lettre d’Emilie.

Il est probable que MmeDumas[8] ira à Arcachon.
Je vous écris à la fenêtre de gauche de la bibliothèque, c’est toujours là ma place.
Les chemises de [pauvres] se font-elles bien à la machine ?
Regardez comment est faite l’enveloppe de la couverture de voyage de votre bonne-maman[9] car ce sera une chose commode à avoir.

Adieu, mes enfants chéries, je vous embrasse bien tendrement,
AME
Mille amitiés autour de vous.

Avez-vous de l’ordre ? Rien n’est triste à voir, comme une jeune fille qui n’en n’a pas. Lorsque vous sortez, avez-vous soin que la pièce que vous quittez reste convenable ? Vous allez me trouver bien sévère ce matin. Je vous aime tant mes enfants chéries que je vous veux tout à fait bien. On réclame mon griffonnage je laisse donc là mes beaux discours.


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Le frotteur des parquets.
  3. Paule Baltard, épouse d’Edmond Arnould.
  4. Krabe, le chien d’Alphonse Milne-Edwards.
  5. Alphonse Milne-Edwards.
  6. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  7. Marthe Pavet de Courteille.
  8. Cécile Milne-Edwards, épouse de Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  9. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 2 octobre 1878. Lettre d’Aglaé Desnoyers (épouse d’Alphonse Milne-Edwards) (Nogent-le-Rotrou-Launay) à Marie et Emilie Mertzdorff (chez leur père à Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_2_octobre_1878&oldid=35025 (accédée le 23 avril 2024).

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