Dimanche 29 septembre 1878
Lettre d’Aglaé Desnoyers (épouse d’Alphonse Milne-Edwards) (Nogent-le-Rotrou-Launay) à Marie Mertzdorff (chez son père à Vieux-Thann)
Launay Dimanche 29 septembre 1878.
C’est à toi, ma petite Marie Chérie, que je m’adresse aujourd’hui. Je tiens à venir te remercier de la manière dont tu m’écris, grâce à ce bon journal que je reçois si régulièrement, je puis vous[1] suivre heure par heure, ce qui me paraît bien doux. Je trouve dans vos lettres tout ce que je souhaite y trouver ; vous me mettez si bien au courant de vos pensées, que j’aurai continué à vous connaître même pendant votre absence. C’est que voyez-vous, mes enfants chéries, je passe par-dessus tous les obstacles pour aller vous trouver ; mon cœur est si près de vous que la distance ne peut mettre de barrière entre nous.
Dans ta lettre de Mardi j’ai trouvé mon enfant chérie, bien des pensées sérieuses qui m’ont fait plaisir, j’aime à voir que tu réfléchis et que tu cherches à envisager la vie comme le faisaient tes deux chères mères[2]. Car l’une comme l’autre ne se laissaient jamais étourdir par aucun plaisir. Mais ce que je ne veux pas c’est que tu te laisses aller au découragement ; si par moment tu t’y trouves portée tâche de réagir le plus possible et de t’intéresser à toutes tes occupations. Ne t’attriste pas, si ayant fait de ton mieux, tu trouves que ta journée n’a pas été bien remplie. Lorsqu’on a bonne intention, et qu’on cherche à bien faire, le reste ne signifie rien ; c’est une jouissance à laquelle il ne faut pas attacher trop d’importance. Lorsque tu le peux occupe-toi sérieusement et ne gaspille pas ton temps ; lorsque tu n’es plus libre du choix de tes occupations, soumets-toi aimablement aux circonstances et le bon Dieu sera content de toi.
J’espère que vous jouissez du même soleil que nous, depuis notre arrivée le temps est splendide, aussi sommes-nous restés presque toujours dans le jardin ou sur la butte. Hier maman[3] a fait une promenade un peu trop longue (3 heures) nous craignions qu’elle ne s’en trouve souffrante ce matin ; heureusement que non, et qu’elle va pouvoir venir à la messe, en voiture bien entendu.
Crabe[4] est si heureux d’être ici, qu’il en est amusant, il court comme un petit fou et semble rire toute la journée ; il vient de gratter avec fureur pendant 1/2h dans le trou d’un lapin. Nous venons de faire un tour dans le petit bois de chênes, l’air était si doux, les ombres si jolies que nous vous regrettions mes enfants chéries, et avons sans cesse parlé de vous.
Adieu, mes petites amies, que le bon Dieu vous bénisse, c’est ce que je lui demande sans cesse.
Bonnes amitiés à votre cher père[5], et mille choses affectueuses à votre bonne-maman[6] dont vous allez bien jouir.
Combien je regrette que Mme Léon[7] arrive juste au moment où je ne suis pas à Paris. A quel hôtel sont-ils et pour combien de jours.
Encore un bon baiser.
AME
Merci pour la jolie petite fleur à 2 branches. Je n’avais pas trouvé les échantillons de laine dans la lettre d’Emilie ; je crains bien de n’avoir pas envoyé juste les nuances qu’il fallait.
Notes
- ↑ Marie et sa sœur Emilie Mertzdorff.
- ↑ Caroline Duméril (†), première épouse de Charles Mertzdorff et Eugénie Desnoyers (†), seconde épouse, qui a élevé les fillettes.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Krabe, le chien d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 29 septembre 1878. Lettre d’Aglaé Desnoyers (épouse d’Alphonse Milne-Edwards) (Nogent-le-Rotrou-Launay) à Marie Mertzdorff (chez son père à Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_29_septembre_1878&oldid=54506 (accédée le 18 décembre 2024).
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