Mercredi 23 février 1916
Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne)
29, RUE DE SÈVRES, VIE[1]
23 Février
Est-il possible, mon pauvre petit, que j'aie laissé passer la date du 22 sans penser à certain marché de Douai qui a été particulièrement bien achalandé en Février 95 ? et que le jour de tes 21 ans n'ait pas été célébré par moi ? C'est bien mal. J'en suis très confuse, très désolée et je cherche à réparer en t'envoyant les souhaits les plus tendres. Ta majorité aura été atteinte loin des projectiles[2], c'est mieux que je n'osais espérer lorsque tu nous as quittés en Décembre 1914. Que te réserve cette nouvelle année de ta vie, cette première année de ta vie de citoyen, de soldat ? c'est bien mystérieux. Mais quels que soient les évènements extérieurs, je puis être assurée, il me semble, que l'homme moral sera capable chez toi de les subir sans dommage et même sans défaillance.
Michel[3] est arrivé hier soir, content de retourner au front[4] mais regrettant de manquer Pierre[5] à quelques jours près. Il manque aussi ton papa[6] parti Lundi matin pour Lyon d'où il ne reviendra que demain soir. D'après la lettre que je reçois de lui ce matin, je vois que sa présence n'y est pas inutile.
Lucie[7] va très bien et reçoit des visites avec plaisir. Elise[8] et Made[9] y sont allées, Michel y va aujourd'hui ; j'y ai fait conduire Anne Marie hier et Suzanne[10] aujourd'hui. Quant à moi, je me suis résignée à ne pas sortir hier ni aujourd'hui parce que je suis très enrhumée et que je ne veux pas que cela tourne en bronchite.
Mémé[11] est fort agitée d'une composition de géographie. Elle est tout feu tout flamme pour son cours, et parfois bien énervée.
Maurice Vandame est arrivé en permission hier soir pour 6 jours, son frère Paul[12] est actuellement à Boulogne sur Seine et vient souvent dîner et coucher ici.
Jacques[13] est toujours dans son pavillon[14], très entouré de neurasthéniques et de détraqués, je crains que ce ne soit une mauvaise compagnie pour lui et il le trouve aussi. Je pense d'ailleurs que son séjour là-bas ne sera pas de bien longue durée, je le souhaite car cette complète inaction est bien ennuyeuse, et d'autre part, il ne me semble pas assez remis pour retourner au front. Il est si facilement fatigué, repris de douleurs de tête et a les nerfs bien sensibles. C'est long ces choses-là. Guy[15] est loin d'avoir repris son aplomb et cependant le voilà maintenant très actif et content de l'être. M. Toussaint, aux Nouvelles du Soldat, l'emploie beaucoup et d'une manière très-intéressante.
Michel a vu ce matin Caplain qui a sa 1ère permission de 24 h. Le petit d'Amécourt[16] et Simonin ne sont pas revenus au patro depuis le départ de Michel ! Il serait temps que Pierre vienne y faire un tour.
Je t'embrasse très tendrement, cher enfant, enfant majeur et t'envoie les amitiés de tout l'entourage. Emy
Petit Jacques[17] est très enrhumé et tout souffrant.
Notes
- ↑ Adresse imprimée.
- ↑ Louis Froissart est au camp de la Braconne.
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis.
- ↑ L'offensive allemande sur Verdun a débuté le 21.
- ↑ Pierre Froissart, frère de Louis.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Lucie Froissart épouse d'Henri Degroote.
- ↑ Elise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
- ↑ Madeleine Froissart, épouse de Guy Colmet Daâge.
- ↑ Anne Marie (8 ans) et Suzanne (7 ans) Degroote.
- ↑ Anne Marie Degroote ?
- ↑ Paul Emile Vandame.
- ↑ Jacques Froissart.
- ↑ Hôpital « Maison Blanche », près de Neuilly-sur-Marne.
- ↑ Guy Colmet Daâge.
- ↑ Henri Ponton d’Amécourt.
- ↑ Jacques Damas Froissart, 18 mois.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mercredi 23 février 1916. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_23_f%C3%A9vrier_1916&oldid=53335 (accédée le 22 décembre 2024).
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