Mercredi 22 janvier 1879

De Une correspondance familiale

Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1879-01-22 pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-01-22 pages 2-3.jpg


Mercredi 22 Janvier 1879

Mon père chéri,

Ta lettre était attendue avec grande impatience comme tu le pensais bien et a été reçue avec joie. Ton télégramme nous avait déjà rassurés sur ton sort, mais nous avions peur que tu n’aies eu bien froid la nuit ; heureusement que ton rhume n’en a pas souffert ; mais je t’en prie, mon petit papa, soigne-toi bien, je suis sûre que tu as encore un peu mal à la gorge ou que tu tousses, parce que, tu as beau dire, ton rhume n’était pas tout à fait guéri quand tu es parti.

Ta lettre est venue nous trouver presque dans notre lit ; on peut même dire complètement pour Marie[1] et c’a été pour elle un réveil très agréable. Cette paresse désordonnée ne doit pas te surprendre beaucoup puisque tu savais que nous devions aller hier chez Mme Bussy[2]. Nous nous sommes beaucoup amusées, si bien amusées que, malgré toutes les résolutions qu’on avait prises de rentrer de très bonne heure, oncle et tante[3] nous ont laissées jusqu’à la fin. Il y avait très peu de monde et Mlle Reynier[4] a si bien plaidé sa cause auprès d’oncle qu’elle l’a décidé à nous laisser au cotillon, il a fini un peu après trois heures et nous sommes parties avant le souper. Tu vois que nous avons bien débuté, et que nous nous en sommes donné largement pour la première fois. Ce pauvre oncle qui nous avait laissées partir seules était venu nous rejoindre vers minuit comptant nous emmener bientôt après et voilà comme nous lui avons fait passer la nuit. Ce que j’admire le plus c’est que tante et oncle disent s’être amusés ou du moins ne pas s’être du tout ennuyés. Il me semble cependant qu’ils auraient été plus agréablement dans leur lit. Nous ne nous sommes levées que pour le déjeuner aussi n’avons-nous pas fait encore grand chose : ranger ses affaires, et étudier un peu son piano, pour ses préparer à sa leçon et tout ce qu’on a eu le temps de faire.

J’ai reçu ce matin un mot de Paulette[5] disant que Marcel[6] a les oreillons de sorte que nous ne pourront plus aller la voir, c’est désolant ; Mme Baltard[7] est toujours très enrhumée mais quant à Paulette elle nous dit aller beaucoup mieux ; elle recommence à aller à son cours ; pauvre MmeArnould[8], il est vrai qu’elle a assez de sa mère et d’un enfant malades à la fois.

Hier tante a eu une quantité de visites et, ayant été appelées pour la première, nous n’avons pas pu nous en aller jusqu’à la fin de la journée. Mme Lafisse[9] est venue avec Hortense[10] et M. Aubry. Hortense a l’air enchantée ; je ne l’ai jamais vue si gaie, si rieuse et si contente. Tant mieux, pourvu que cela continue très longtemps c’est tout ce qu’on demande. M. Aubry a l’air très jeune, très timide, il est grand et assez bien physiquement, un peu trop bien coiffé peut-être mais ce n’est pas là un défaut bien grave ; d’ailleurs je ne le connais pas assez et il a trop peu parlé pour que je puisse me permettre de le juger autrement.

Adieu mon père chéri, que j’aime de tout mon cœur, je t’embrasse comme je t’aime ainsi que bon-papa et bonne-maman[11].
Ta fille Emilie

Je suis bien contente que la vache ait fait plaisir à Hélène[12]. Je voudrais bien que tu me dises si cette demoiselle commence à marcher.


Notes

  1. Marie Mertzdorff, sœur d’Emilie.
  2. Anne Adélaïde Baudouin, épouse d’Antoine Alexandre Brutus Bussy.
  3. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
  4. Marguerite Reynier.
  5. Paule Arnould.
  6. Marcel Arnould.
  7. Adélaïde Lequeux, veuve de Victor Baltard.
  8. Paule Baltard, épouse d’Edmond Arnould.
  9. Constance Prévost, épouse de Claude Louis Lafisse.
  10. Hortense Duval, nièce de Mme Lafisse, va épouser Marcel Aubry.
  11. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  12. Hélène Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 22 janvier 1879. Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_22_janvier_1879&oldid=35065 (accédée le 15 novembre 2024).

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