Mardi 19 octobre 1880
Fragment de lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris), transcrit par la famille au XXe siècle
Depuis qu’Alphonse[1] et Émilie[2] ont rangé le laboratoire, j’ai le plus grand plaisir à y travailler. Ce que j’y fais n’est pas important, je continue les rangements commencés, ce qui est long mais nullement ennuyeux car il y a une cinquantaine de flacons sans étiquettes, il s’agit donc de reconnaître chaque substance et ce sont autant de petites analyses à faire, je fais cela encore assez vite, mais que de choses me manquent encore.
Mon médecin[3] est nommé médecin cantonal ce qui le force à avoir cheval et voiture que je me suis engagé à lui fournir. M. Jaeglé[4] est à Bâle pour cet objet. Si jamais j’ai fait quelque bien, c’est en ayant la chance d’avoir un homme avec autant de bon vouloir et de bon cœur. Le revers de la médaille, c’est que j’ai à dos tous les médecins et apothicaires des environs, et chacun de m’habiller et me déshabiller à sa manière.
Autre menace, il paraît que le maître d’école, qui doit nous arriver, n’est pas du goût de notre curé[5], ce qui le chagrine au point de demander son changement à l’Évêché, ce qui sera une grande perte et il faudrait un instituteur hors ligne pour avoir une compensation.
Les vendanges sont faites : 1/100e de la récolte ; pour la compléter nous avons fait venir du raisin d’Italie à raison de 55 F les 100 kg (ce qui valait 10 F dans le temps), qui avec force eau sucrée, nous donnera le vin de l’année prochaine ; nous comptons faire tranquillement notre vin mais sans compter avec le rat de cave prussien qui réclame sa part et sa bonne part : 30 F pour 100 kg. Jamais Château Lafitte n’aura coûté aussi cher. Quelle race rapace car de tout temps le raisin ne payait pas de droits.
Vous parlerai-je de la fabrique ; toujours même misère, Mulhouse emmagasine, calme désolant dans la vente, nous travaillons bien tous les jours mais c’est insuffisant, l’on nous prédit quelques bons mois d’hiver où il est si coûteux et difficile de bien faire.
L’établissement Gros de Cernay[6] (moulin) va se fermer à la fin du mois. 500 ouvriers sur le pavé à l’entrée de l’hiver.
Notes
Notice bibliographique
D’après une transcription familiale partielle (Un industriel Alsacien : Charles Mertzdorff, Ludovic Froissart, 1983)
Pour citer cette page
« Mardi 19 octobre 1880. Fragment de lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris), transcrit par la famille au XXe siècle », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_19_octobre_1880&oldid=41397 (accédée le 15 novembre 2024).
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