Mercredi 17 décembre 1879 (A)

De Une correspondance familiale

Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1879-12-17A pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-12-17A pages 2-3.jpg


Jeudi 17 Décembre 79

Mon père chéri,

Il est inutile de te dire combien ta lettre de ce matin nous a désappointées ; nous comptions si bien sur toi, avant Noël ; et encore, si c’était pour une raison moins triste que tu sois forcé de retarder ton voyage ! C’est si triste de penser que le pauvre oncle[1] est aussi près de sa fin.
Nous comprenons bien que tu désires être là-bas et auprès de la pauvre tante[2] qui si son mari venait à disparaître. Mais la première impression d’oncle[3], lorsque nous avons lu la lettre, a été qu’il est impossible à un médecin, quel qu’il soit, de prévoir et surtout de préciser ainsi le temps qu’il reste à vivre au pauvre malade. Oncle dit que cet état peut durer plus de trois semaines encore, que dans tous les cas on ne peut pas savoir combien de temps il a encore devant lui, et tante[4] pense, comme lui, qu’il vaudrait mieux que tu viennes le plus tôt possible, prêt à t’en aller dès qu’il le faudra mais au moins nous nous serons vus un peu et sans cela, vraiment nous risquerions d’être séparés bien longtemps car c’est surtout après que tu seras utile, indispensable à la tante et que tu pourras lui donner de la force et du courage tandis qu’en ce moment elle est trop occupée dans les soins qu’exige son cher malade pour penser à son chagrin. Tu sais que c’est toujours après, lorsqu’on a plus cette excitation qui soutient par l’inquiétude même que l’on a, c’est alors que l’on se laisse tomber et qu’on a besoin d’être entouré.
Enfin voilà mon père chéri, ce que nous avions pensé, c’est à toi de juger et de décider ce qui sera le mieux. Et puis notre petit papa n’est-il pas bien triste en ce moment, bien affligé de la maladie du cher oncle, et n’aurait-il pas aussi un peu besoin qu’on l’entoure et qu’on puisse lui parler autrement que par lettres.

Nous avons été aujourd’hui à la vente de charité de l’orphelinat de Jeanne Pavet[5] dont tante Louise[6] s’occupait très activement ces jours-ci. Nous y avons fait quantité d’emplettes de jour de l’an. C’est Cécile[7] qui nous y a menées parce que tante était restée auprès d’oncle[8]. Ce cher petit oncle va beaucoup, beaucoup mieux. Aujourd’hui il s’est levé vers midi et en ce moment il est à l’assemblée en bas ; il a mangé une côtelette ce matin, c’est te dire que son estomac va mieux. Hier il a passé gentiment toute sa journée dans son lit pour se remettre plus vite mais il ne souffrait presque plus. Nous sommes bien contentes de le revoir sur pied, et bien contentes aussi à l’idée qu’il ne sortira pas d’ici à plusieurs jours, et que nous l’aurons tout entier à nous. Si tu étais là tout serait parfait. Adieu, mon père chéri ; tâche de venir n’est-ce pas. En attendant je t’embrasse tendrement,
Émilie


Notes

  1. Georges Heuchel.
  2. Élisabeth Schirmer épouse de Georges Heuchel.
  3. Alphonse Milne-Edwards.
  4. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  5. Jeanne Pavet de Courteille.
  6. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  7. Cécile Besançon, bonne des demoiselles Mertzdorff.
  8. Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 17 décembre 1879 (A). Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_17_d%C3%A9cembre_1879_(A)&oldid=42800 (accédée le 15 novembre 2024).

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