Mardi 8 et mercredi 9 juin 1875
Lettre de Charles Mertzdorff (Wattwiller et Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
Je t’étonne bonne grosse Marie en t’écrivant de Wattwiller à 10h du soir. Mais rassure-toi, je ne suis nullement malade parce que je t’écris d’un hôpital comme Wattwiller.
L’histoire en est très simple & la voilà. Comme vous le savez déjà je tiens à faire ma saison & une saison assez sérieuse pour mettre [ma] conscience à l’abri de tout reproche.
Quelques petits avis rhumatismiques me font penser que prudence est mère de quantités de vertus. J’ai donc dû opter pour Wattwiller.
Hier matin je suis venu ici dès le matin j’ai quitté la maison à 6h, ai déjeuné ici & n’étais rentré qu’à 10h ½. Ce sont les meilleures heures de la journée que je passe ainsi en voiture au grand déplaisir des bêtes. Il s’agissait donc de se lever de meilleure heure, mais c’est vite dit & peu facile à faire, à qui le dis-tu papa, me diras-tu !
Paresse aidant, la raison a cru de son devoir de dicter une autre conduite car en fait se lever avant 5h, courir la poste pour baigner des bobos, c’est en chercher de plus gros.
& voilà ce que dame Sagesse me fait faire.
Je quitte le soir 5h, passe dans l’Eau chaude de 6 à 7, puis me couche un peu ou grimpe un bout de montagne & c’est ce dernier que j’ai préféré aujourd’hui.
Je soupe à l’hôtel Lehmann[1] & puis je t’écris. puis me couche dans la chambre n° 14. Grande vaste donnant sur la terrasse & possédant un second lit, pour un ami si l’occasion devait se présenter.
Demain Matin vers 6 heures, je me replonge jusqu’à 7h, recouche, déjeune, tour de montagne & à 9h Je serai à la maison. Je pourrais déjà y être à 8h mais un petit tour de grand air ne nuit pas.
Voilà ma chérie mes projets pour tout le mois. J’oubliais de dire que Demain je resterai tranquillement à la maison ayant déjà pris mon bain le matin & ce ne sera qu’après-demain que je reviendrai ici. Je passerai donc du mois 15 nuits à Vieux-Thann & autant ici.
Voilà mes projets & c’est aujourd’hui mon premier essai. Vogt[2] & ses bêtes fait comme moi je les garde tous les 3 avec moi.
Comme tu vois ce n’est pas tout à fait régulier en prenant 2 bains en 12h & restant 36 heures avant de recommencer. mais la fatigue est bien moindre & c’est quelque chose.
Je ne suis pas mécontent de mon premier bain & désire bien en dire autant de mon dernier.
Maintenant suis-je aussi content du reste. Non certes car cette saison me prive du plaisir de vous embrasser & de passer 5 ou 6 jours au milieu de vous.
Seulement la crainte de la fatigue du voyage avec les avertissements de douleurs un peu partout m’ont fait prendre le parti le moins gai mais peut-être le plus raisonnable. Je bois donc bravement mes 4 à 5 milligrammes d’Arsenic dans ma journée ce qui peut me faire 0.250 g pour peut-être ne pas faire grand bien.
Ma journée d’aujourd’hui n’a pas été si simple. Léon[3] n’est pas venu je me demande si sa machine vapeur est de nouveau chez l’apothicaire. J’ai eu par contre M. Barbé à dîner, vers 4h visite de sœur Bonaventure qui tenait à me voir avant d’aller passer ses 8 jours de retraite à [Niederbronn].
Enfin ici j’ai soupé avec la famille Henriet, souper [monstre] !! & lorsque ont paru la crème et les gâteaux, si je n’ai pas [fouri [4]] c’est parce que je ne possède pas cette terrible maladie dont souffre tant cette chère Emilie. Je n’ai pas mais j’ai pensé à vous mes chéries & j’ai souri ou presque ! Ces demoiselles[5] nous ont mal conté de petites histoires, elles étaient près de [ ] deux charmantes jeunes filles Mlle de Rheinach & [aussi] [ ] Thann.
Je n’en finirais pas si je voulais vous raconter tout ce qui s’est dit. Aussi suis-je rentré tard & ma montre marque 11 ½.
Il me faut bien vite vous dire au revoir. à demain matin
9h. Mercredi. Je rentre à l’instant à Vieux-Thann après avoir passé une bonne nuit, bon lit, bonne chambre etc etc. Avant de me mettre en course dans les ateliers je viens encore te dire un bonjour & te prier de bien embrasser tante Oncle[6] pour moi & Emilie ne l’oublie pas car c’est notre [ ] pour toi ma bonne fille tu sais que j’aimerais bien t’embrasser de même
ton père qui t’aime.
Charles Mff
je reçois à l’instant ta bonne lettre me dit que vous allez tous bien sauf [tante qui est] encore [couchée]
l’oncle est bien aimable d’aller ainsi avec vous se promener si longtemps. Ce matin à 6h je me suis promené un peu en forêt à Wattwiller. J’ai trouvé cela bien agréable & cependant il est si rare que je le fasse.
Notes
- ↑ Xavier Lehmann, hôtelier à Wattwiller.
- ↑ Ignace Vogt, cocher chez Charles Mertzdorff.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Possible néologisme, allusion aux fous rires d’Emilie Mertzdorff.
- ↑ Probablement Gabrielle et Jeanne Henriet.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 8 et mercredi 9 juin 1875. Lettre de Charles Mertzdorff (Wattwiller et Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_8_et_mercredi_9_juin_1875&oldid=41043 (accédée le 21 novembre 2024).
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