Mardi 4 avril 1882
Lettre de Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas (Clarens en Suisse) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)
Mardi 4 Avril
Villas Dubochet. Pavillon 9
Clarens. Canton de Vaud, Suisse.
Je viens t’ennuyer, ma petite Marie mais tu t’es mise si gentiment à ma disposition avant mon départ pour me faire quelques commissions[1] que je vais user de toi au lieu de m’adresser à ta tante[2] qui est encore si fatiguée ou à Tante Louise[3] à qui j’envoie une longue liste d’objets à m’expédier de la maison.
Quel malheur[4] pour Mme de Sacy[5] est ses enfants que cette mort si prompte, mais pour ma [ ] frappée en pleine vie de dévouement, c’est bien certainement la fin qu’elle aurait désirée & la plus heureuse pour elle après une si sainte vie.
Vous ne la connaissiez pas, mes chères enfants, & n’aviez vu d’elle que ces dehors si froids et si rigides qu’on était tout glacé, même quand on savait comme nous combien son cœur était chaud & quel beau & grand caractère elle avait. Les liens qui nous liaient étaient plus forts que je ne le croyais & j’éprouve de sa perte un vif chagrin.
La tante Louise est désolée & je le comprends. Depuis sa petite enfance, elle avait pour Mme Audouin un vrai culte & cette affection passionnée, presque instinctive autrefois, n’avait fait que s’accroître & avait pris après la mort de Daniel, un caractère d’égalité qui en faisait pour ta tante un véritable soutien.
Tu auras su que nous avions bon gîte ici & qu’à la grande joie de maître Jean[6] nous possédions un chez nous une ombre de foyer, car nous n’avons pas en Français d l’équivalent de ce mot Home qui rend si bien l’idée qu’il représente. Nous avons 2 grandes chambres avec vastes cabinets de toilette qui sont encore libres, avis aux personnes aimables qui de Vieux-Thann n’auraient qu’un saut à faire pour retomber ici. Le lac[7] est superbe variant de couleur à tout instant & d'ici on ne perd aucune de ses transformations, les arbres n’ont pas encore de feuilles & même quand ils en auront nous sommes si près que la vue, pour être différente, n’en sera pas moins belle. La grille du Jardin donne sur une allée sablée qui borde le lac et je suis sûre que Jeanne[8] gagnerait ici 1 ou 2 livres de plus qu’à Paris. Si ton mari[9] se contente d’un service écourté, il est sûr d’être le très bien venu.
Adieu chère enfants, amitiés à tous & mille remerciements à l’avance.
CMEd
Notes
- ↑ Cette liste de commissions ne nous est pas parvenue.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ La mort de Mathilde Brongniart alors veuve de Jean Victor Audouin.
- ↑ Cécile Audouin, épouse d'Alfred Silvestre de Sacy et mère de Rachel, Gabriel et Mathilde Silvestre de Sacy.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Le lac Léman.
- ↑ Jeanne de Fréville, fille de Marie.
- ↑ Marcel de Fréville.
Notice bibliographique
D'après l'original.
Pour citer cette page
« Mardi 4 avril 1882. Lettre de Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas (Clarens en Suisse) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_4_avril_1882&oldid=52314 (accédée le 18 décembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.