Mardi 3 novembre 1914

De Une correspondance familiale

Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (Paris)

fac-similé de la lettre du 3 novembre 1914 (pages 1-4).jpg fac-similé de la lettre du 3 novembre 1914 (pages 2-3.jpg


BRUNEHAUTPRÉ Campagne-les-hesdin   
BRIMEUX  PAS-DE-CALAIS[1]

3 Novembre

Mon cher Louis,

Ta dépêche m'est arrivée hier trop tard pour que je puisse encore faire partir une lettre, mais ma dépêche a dû te mettre à l'aise. La chose qui pourrait motiver ton retour hâtif ce serait moi, si la nécessité d'un départ se faisait sentir car je pense que ton papa[2] compte te réserver le transport de cet encombrant colis. Enfin jusqu'ici ce départ ne paraît pas s'imposer et je m'en réjouis à beaucoup de points de vue, dont mon point de vue personnel, car je suis loin d'être guérie de ma bronchite, quoique j'aille mieux et que j'aie fait hier un petit essai de lever (dans ma chambre) qui ne paraît pas avoir mal réussi. On m'a bien dit hier qu'on avait évacué les blessés d'Hesdin, mais on dit tant de choses, je n'en ai pas la preuve. Une lettre de Monchy[3] m'annonce aussi que ses beaux-parents que l'on fait partir de Tincques[4] où ils s'étaient réfugiés viendront probablement nous demander l'hospitalité ; tout cela rapproché du renseignement qu'a eu ton papa à Étaples qu'il était passé plusieurs trains de gens d'Arras que l'on faisait partir n'est évidemment pas très rassurant.

Peut-être ton papa va-t-il rapporter des nouvelles. J'espère qu'il reviendra aujourd'hui. En tous cas si nous t'appelons par dépêche, viens tout de suite, ce sera très probablement pour retourner aussitôt à Paris. Ton papa n'avait pas pensé à ton dentiste en te télégraphiant et voyait un avantage à ce que tu sois ici pour faire de l'entraînement. Tâche d'en faire à Paris.

On a dit à Pottier[5] que le fils de M. Digard[6] est tué, ce serait affreux mais était-il déjà au feu ? peut-être parce qu'il avait son brevet d'aptitude. Il n'y aura pas été longtemps ! Je ne t'avais pas envoyé cette lettre de Corpet croyant que tu allais venir. Ton papa a dû s'occuper de toi à St Omer, si toutefois il y encore là une ombre de bureau de recrutement ce dont je doute. Il doit être à Lisieux.

Pauvre Vieux-Thann[7].

Hélène[8] doit être navrée. Ils avaient justement rapporté chez eux, après la mort de leur père[9], tous les souvenirs de famille, papiers & les plus précieux

La conquête de l'Alsace nous reviendra cher ! car nous avions épuisé toutes nos réserves depuis 10 ans à reconstruire l'usine.

[Ton papa cherchera ta brochure quand il reviendra] je ne puis descendre encore. Je vous embrasse tous bien affectueusement. Merci de tes lettres.

Emy


Notes

  1. En-tête imprimé.
  2. Damas Froissart.
  3. Probablement Monchy-le-Preux (Pas-de-Calais).
  4. Tincques (Pas-de-Calais).
  5. M. Pottier (et son épouse) sont au service des Froissart.
  6. Pierre Digard (†), fils de Georges Digard.
  7. Thann, prise par les Allemands, réoccupée par les Français le 15 août, a été bombardée ; de nombreux établissements industriels et maisons sont détruits.
  8. Hélène Duméril, épouse de Guy de Place.
  9. Léon Duméril († 1894).

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 3 novembre 1914. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_3_novembre_1914&oldid=55415 (accédée le 15 novembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.