Mardi 2 et mercredi 3 mars 1875 (A)

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)


original de la lettre 1875-03-02A pages 1-4.jpg original de la lettre 1875-03-02A pages 2-3.jpg


Ma chère Marie

Ta bonne lettre est venue me dire que vous allez tous bien & je suis très content de ma santé il me reste plus rien de la grippe & ma gorge est d’une belle sagesse.

Il me semble qu’il y a longtemps déjà que je ne vous ai pas écrit & il faut cependant que vous sachiez ce que je fais à Vieux-Thann.

Dimanche j’ai dîné chez Mme Berger[1] avec les Berger de Lauw[2] & tous les André, en fait d’étrangers à la famille, il n’y avait que M. Zimmermann[3] Georges[4] et moi & cependant la table était grande car en faisant le compte je trouve que nous étions 14 à table… Dîner magnifique donné dans les règles de l’art, le tout excellent. je te fais grâce du menu.

J’ai demandé à voir les dessins de ces demoiselles[5] & très aimablement elles ne se sont pas fait prier, elles dessinent d’après nature des plantes avec crayon & pastel ; c’est très <gentil &> il paraît que cela les amuse beaucoup. Mais je ne crois pas que leur professeur soit un grand artiste.

J’ai pu causer avec les Dames avant le dîner & très peu après le café ; car aujourd’hui les messieurs ne peuvent se passer de cigares & l’on oublie les dames pour aller s’enfermer dans un fumoir causer Calicots, politique etc. etc.

Pendant que nous étions ainsi séparés en deux camps sont arrivé M. & Mme Biau ce qui n’a rien changé à la disposition de la société. Dans le salon il y avait une dame de plus & avec nous un nouveau fumeur. Il était 5 heures lorsque je suis rentré Georges étant allé au Casino avec M. Jules[6] j’ai passé ma soirée avec moi-même & mes journaux & mes 3 tasses de thé. C’était comme tu vois suffisant pour passer agréablement quelques heures, car il était près de minuit lorsque je me suis retiré de tous ces délices.

Si j’ai parfois de la peine à me Coucher j’en ai bien plus encore à me lever le matin et j’ai <beau me faire> réveiller <  > <Léon[7]> à 6 ½ il est 7h & je suis encore de à dormir dans mon lit. C’est une grosse réforme à faire d’autant plus urgente que mon jeune paresseux fait comme moi ; ce qui n’est pas bien & qu’il faudra changer, s’il veut rester ici.

Lundi, c’était hier, j’avais une réunion à l’Orphelinat de hôpital comme tous les 1er Lundi du mois. Mlle Marie[8] conduit très bien ses enfants elle en a 32 ce qui est suffisant pour ses forces & pour les revenus de l’institution & aujourd’hui que les passions sont calmées, il paraît que l’on fait grandement l’éloge de notre directrice qui réellement met un grand dévouement à soigner les enfants.

Mais généralement nos revenus ne suffisent pas & il faut qu’entre nous nous trouvions encore un petit supplément ce qui n’est pas difficile. Je ne sais comment l’on est venu à causer de l’ouvroir que petite maman[9] a organisé à Vieux-Thann mais je sais que l’on va tâcher d’organiser quelque chose de pareil chez les Scheurer, mais à la fabrique pour les petites filles travaillant déjà chez eux & les enfants des Ouvriers.

C’est une si bonne chose que je serais heureux de pouvoir la faire propager.

Il était déjà 4h ½ lorsque je passais près des Henriet & au lieu de rentrer j’ai <     >.

Mais cette petite visite <  [10]> s’est si bien prolongée qu’il était près de 7h lorsque j’ai quitté. La faute commise de rentrer si tard & de perdre ainsi ma demi-journée c’est sœur Bonaventure qui l’a sur la conscience c’est elle et son orphelinat qui ont fait les frais de la conversation.

Le tout se traduisant en mille difficultés passées & à venir, la petite misère continuant avec les nouveaux propriétaires exactement comme du temps de M. le Curé. Enfin je suis sorti de là promettant une voiture de foin & 2 voitures de houille – je m’attendais à être dépouillé davantage. Malheureusement en fait de foin nous ne sommes pas riches j’ai déjà envoyé 2 voitures à l’orphelinat de l’hôpital & il faut que je pense aussi à mes bêtes. Sœur Bonaventure ne désespère pas & elle croit qu’elle arrivera à mener en bien son œuvre. Je vais avoir deux nouvelles pensionnaires, ce qui n’est pas le plus agréable. tout à l’heure encore ne m’a-t-on pas demandé un secours pour Mlle Barbier l’une de nos anciennes repasseuses qui est malade & dans la misère, notre petite maman ne manque pas seulement à nous, c’est à bien du monde que son absence fait défaut, n’était-elle pas notre providence à tous. Mille baisers à toutes deux[11] & autant à Oncle & tante[12] ton père qui t’aime

Charles Mff

En allant à Thann j’ai fait route avec M. le Curé[13] qui y est allé pour la 1ère fois depuis le nouvel an. Il est allé faire connaissance avec son nouveau conseil de fabrique & prendre les dispositions pour son installation fixée au Dimanche des Rameaux.

Mercredi 1h. un petit bonjour avant de fermer ma lettre & mille choses gracieuses à tantinette.


Notes

  1. Joséphine André, épouse de Louis Berger.
  2. Léonce Berger et son épouse Julie André.
  3. Thiébaut Zimmermann, maire de Vieux-Thann.
  4. Georges Duméril.
  5. Hélène et Marie Berger.
  6. Probablement Jules André.
  7. Léon Duméril.
  8. Mlle Marie non identifiée.
  9. Eugénie Desnoyers (†), épouse de Charles Mertzdorff.
  10. Possiblement un néologisme, adjectif dérivé de « frayer », fréquenter amicalement.
  11. Marie Mertzdorff et sa sœur Emilie.
  12. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers (« tantinette »).
  13. François Xavier Hun, qui passe de la cure de Vieux-Thann à celle de Thann.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 2 et mercredi 3 mars 1875 (A). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_2_et_mercredi_3_mars_1875_(A)&oldid=40807 (accédée le 21 décembre 2024).

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