Mardi 28 juin 1887

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou)


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Paris 28 Juin 87

Ma chère petite Marie,

Ma dépêche ne t’aura certainement pas fait plaisir puisqu’elle ne précise aucun jour pour ton arrivée. Oncle[1] craint que la fatigue que causera à tante[2] l’émotion de te revoir puisse lui faire du mal avant que la fièvre soit complètement passée. Dans l’état où elle est aujourd’hui, elle ne pourrait pas du tout jouir de ta présence, elle est très absorbée, elle sommeille constamment et ne parle pas du tout.

M. Therillon[3] est venu ce matin faire un 2e pansement ; il a trouvé qu’il y a un peu d’inflammation à la plaie sous le bras, celle de l’épaule au contraire, va très bien (car il paraît que le mal a dû être attaqué en deux endroits) il dit que c’est à cela qu’il attribue la prolongation de la fièvre, mais il n’est est pas inquiet et ne doit revenir voir tante que demain matin pour la panser. Tante a pris ce matin une purgation qui l’a un peu fatiguée ; puis elle a mangé avec plaisir une demi-côtelette à 11h et, plus tard, un œuf, toujours avec plaisir. Elle n’a plus du tout la même agitation que Dimanche, en somme la journée ressemble beaucoup à celle d’hier ; on voudrait voir tous les jours un grand progrès, mais ce n’est malheureusement pas possible, et il faut surtout de la patience ici comme dans toute espèce de maladie. Oncle et tante Cécile[4] ont vu ton mari[5], je regrette de n’avoir pas été là quand il est venu, peut-être nous fera-t-il l’amitié de nous demander à déjeuner ou à dîner.

Ma pauvre petite sœur chérie, tu ne saurais croire combien je suis triste de te savoir loin de nous en ce moment. Je comprends tant tout le chagrin que cela doit te faire et je donnerais je ne sais quoi pour partager ma place avec toi. Ce doit être un vrai sacrifice pour toi d’être ainsi éloigné de notre chère tante au moment où tu aurais tant besoin de lui prouver ton affection et ton dévouement. Elle se rend bien compte de tout cela, je t’assure, et elle est bien occupée de toi. Je pense avec joie que tu pourras te dédommager de ce sacrifice en ayant cette chère tante près de toi à Allevard et en lui prodiguant à ce moment-là tes soins et ton affection, elle sera peut-être encore fatiguée, oncle, du moins, en est persuadé. Si tu acquiesces à ma combinaison de Grigny[6], fais-le moi savoir par dépêche demain, à moins que tu m’aies répondu à ce sujet aujourd’hui, car si tu ne viens pas, je demanderai à ma belle-mère[7] de vouloir bien venir s’installer chez nous pour que je puisse laisser les enfants[8] toute la journée sans préoccupation.

Tante m’avait chargée de te dire Samedi (et je l’ai oublié) que tu pouvais et devais dire à tes domestiques qu’on lui a enlevé une glande sous le bras. Du reste si tu as dit autre chose tranquillise-toi : on n’en est plus à faire des mystères, tu comprends que tout le monde ici et dans tout le Jardin, sait que tante est au lit, a une sœur[9] et qu’un chirurgien vient tous les jours.

J’ai eu encore ce matin une bien aimable petite visite de ta belle-sœur[10]. Adieu sœur chérie chérie, je t’embrasse de tout mon cœur de petite sœur [ ]

Émilie

Rappelle-moi au bon souvenir de Mme de Fréville[11]. De bons baisers aux enfants[12].


Notes

  1. Alphonse Milne-Edwards.
  2. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards, qui vient d'être opérée.
  3. Le docteur Octave Terrillon.
  4. Cécile Milne-Edwards, épouse d'Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  5. Marcel de Fréville.
  6. La famille Froissart a retenu pour les vacances une maison à Grigny (plus proche de Paris que Launay).
  7. Aurélie Parenty, veuve de Joseph Damas Froissart.
  8. Jacques et Lucie Froissart.
  9. Une religieuse alsacienne.
  10. Louise de Fréville, épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre.
  11. Sophie Villermé, veuve d'Ernest de Fréville.
  12. Jeanne, Robert, Charles et Marie-Thérèse de Fréville.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Mardi 28 juin 1887. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_28_juin_1887&oldid=52571 (accédée le 18 décembre 2024).

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