Mardi 26 décembre 1882
Lettre d’Émilie Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)
26 Décembre 82
Ma chère Marie,
Voici bien longtemps que je ne t’ai écrit, mais comme tu as eu tous les jours des nouvelles par tante[1], tu n’étais pas bien à plaindre.
Si tu savais comme j’ai eu une agréable surprise hier, pour mon jour de Noël en recevant la petite figure riante de notre Jeannot chéri[2], dans un charmant petit cadre bleu qui ne laisse apercevoir que son petit minois si gai et si ressemblant ; je l’ai encore devant moi pendant que je t’écris, et en regardant son air malin je comprends que l’idée saugrenue de savonner tous les meubles de sa chambre, ait pu prendre naissance dans cette petite tête. Dis à Marcel[3] que si j’avais été présente, j’aime à croire que j’aurais grondé, mais dans tous les cas, à la lecture, j’en ai bien ri. Je ne sais plus que penser de Robert[4], les uns disent qu’il est tout rouge, les autres qu’il tourne à l’orange, et Paule[5] m’écrit que sa mère[6] est revenue de chez toi disant qu’il est « joli, joli, trop joli », probablement que les membres les plus sages de la famille Arnould commencent déjà à concevoir des inquiétudes pour son humilité. Mais ce qui est le plus important pour le moment, c’est qu’il tête bien, que sa maman a toujours une abondante provision à lui offrir et que l’un et l’autre se portent à merveille.
J’ai eu hier une bonne journée de Noël : je l’ai saintement commencée en allant à la messe basse, puis à la grand-messe ; j’espère qu’il y en aura au moins une des deux qui comptera pour toi. Malgré la pluie qui ne cessait pas de tomber nous avons été chez l’oncle Georges[7] ; tante Marie[8] est venue m’y prendre pour aller avec moi chez Mme Berger[9] voir Hélène[10]. La pauvre Hélène est arrivée Samedi soir et Dimanche matin elle a dû se remettre au lit ; elle est désolée car elle se croyait remise ; on la condamne encore au repos et peut-être passera-t-elle toute la semaine ici. Tante Marie venait demander à Marie[11] d’amener sa fille chez elle pour assister à l’illumination de l’arbre de Noël et prendre part à la joie de petite Hélène[12]. J’ai donc profité de l’occasion que m’offrait Marie[13] de me ramener en voiture avec sa fille pour rester plus longtemps avec Hélène[14] que je n’avais pas encore vue depuis mon retour. Ma visite s’est même assez prolongée par suite d’un lavement qu’il a fallu administrer à la pauvre Gabrielle, on a dû ensuite la faire manger puis l’habiller. Marie vient de la sevrer, la nourrice est partie Mercredi, et cela tombe juste au moment où la pauvre petite fait des dents.
Je t’ai promis de te raconter le retour de Jules[15]. Il a apparu tout à coup à Mulhouse il y a une 15aine de jours et ayant rencontré le jeune Schirmer, il lui a demandé des renseignements sur les sentiments de son grand-père[16] à son égard. Celui-ci lui a répondu qu’il n’en savait rien et l’a renvoyé à M. Barbé[17] pour avoir des informations plus précises. Le lendemain Jules est tombé chez son grand-père sans que personne s’attende à le revoir. Il paraît que la réconciliation s’est très bien effectuée ; que Jules a témoigné beaucoup de regrets de sa conduite passée. Il a passé plusieurs jours ici, il est allée en ce moment faire un voyage dans le midi et doit revenir pour le jour de l’an ; il avait un congé d’un mois. Tout le monde semble très satisfait de ce rapprochement ; quant à lui il paraît qu’il est toujours aussi étrange et original.
Je n’ai plus que la place de t’embrasser, toi, Jeanne et Robert et d’introduire une bonne poignée de main pour Marcel.
Émilie
Papa[18] t’embrasse.
Notes
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jeanne de Fréville.
- ↑ Marcel de Fréville.
- ↑ Robert de Fréville, nouveau-né.
- ↑ Paule Arnould.
- ↑ Paule Baltard , épouse d’Edmond Arnould.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
- ↑ Joséphine André, épouse de Louis Berger.
- ↑ Hélène Berger, épouse d’Émile Poinsot.
- ↑ Marie Berger, épouse de Paul Henri Rich et mère de Gabrielle Rich.
- ↑ Hélène Duméril.
- ↑ Marie Berger-Rich, avec Gabrielle.
- ↑ Hélène Berger-Poinsot.
- ↑ Jules Heuchel.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Victor Barbé ?
- ↑ Charles Mertzdorff.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Mardi 26 décembre 1882. Lettre d’Émilie Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_26_d%C3%A9cembre_1882&oldid=40903 (accédée le 7 décembre 2024).
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