Mardi 25 octobre 1864

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)

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Vieux-Thann

25 Octobre 64

Merci, ma bonne petite Gla, à toi et à Maman[1] pour la caisse ; le contenu est parfait on ne peut mieux ; c’est très commode de voir arriver les choses sans avoir à les décider, et qui plus est de les trouver du meilleur goût. Les petits chapeaux des enfants[2] vont très bien, et celui de la maman a l’air tout neuf. La fleur est jolie sur le bleu nous pourrons mettre une plume. Le petit carreau me plaît pour mon jupon ; tout est bien.

Merci de tes conseils pour les enfants, mais pour le moment, je ne ferai rien à leurs manteaux gris, leurs manteaux de drap noir ont été si bien rallongés par le tailleur de Thann avec de la pluche[3] noire en laine qu’elles n’ont vraiment besoin de rien. Ce sont seulement les chapeaux de feutre noirs que je t’enverrai ou que je te porterai pour les faire arranger parce que les petits chapeaux ronds vont toujours bien mieux aux enfants.

Notre séjour à Morschwiller a été un peu troublé par les rhumes ; Founichon a eu mal à la gorge, Mimi a mouché et moi je toussais sec, aussi avions nous tous désir, malgré le si tendre accueil de Mme Duméril[4], de rentrer chez nous, Charles[5] surtout n’a été tranquille que lorsque nous avons été réinstallés au Vieux-Thann d’autant plus que tous les malaises ont disparu et que nous sommes de nouveau tous bien ; je ne tousse plus du tout, j’ai transpiré Samedi et Dimanche ce qui (avec une heureuse coïncidence que tu devines) m’a complètement remise. Je me sens de nouveau complètement dans mon assiette et je vais et viens, il n’est plus question de mon indisposition d’il y a 1 mois six semaines. Je ne serai donc pas un obstacle au voyage de Paris, mais j’ose cependant à peine y croire.

Ici il n’y a pas d’heure où vos noms ne soient prononcés ; Mimi prétend que si maman devient trop sévère « elle ira chez tante Aglaé » ! je luis ai dit qu’elle pouvait prendre le chemin de fer. Mais si tante Agla devient trop sévère aussi, elle ne sait pas où elle ira ? mais elle veut être bien sage parce qu’elle a « une trop gentille maman et qu’elle ne pourrait pas en trouver une aussi bonne ». Quant à Founi, elle est toujours délicieuse, c’est bonne-maman Desnoyers, Mimi est tante Gla et moi je suis Nie et alors on vient me trouver, ce sont des ma petite Gla ! ma petite Nie ! D’autres fois je suis leur petit chou et leur grand bonheur est de venir dans mon cabinet de toilette et de m’atteindre mes affaires et de me ranger mes chaussures. Tu sais que ma queue et mes crêpés sont de tes cheveux ! ce sont elles qui ont inventé cela et nous ne les avons pas désabusées, souvent elles me font bien rire ; comme je serais contente de les voir avec toi, et puis elles maintenant te connaissent et ne demanderaient pas mieux de rester avec toi.

Voici le beau temps revenu, je vais en profiter pour aller chez Mme Jaeglé[6] au Moulin et chez la tante[7] ; ce matin je suis allée à la messe à 7 h 1/2 avec Mimi, je n’y étais pas allée Dimanche et cette Enfant dit toujours qu’elle est mon amie et qu’elle veut rester avec moi. Que je suis contente de savoir que tu vas bien. je pense bien à Alphonse[8]. il doit être fatigué de son excès de travail, après le 2 comme il va se reposer. Si nous n’allons pas, il faudrait venir, les Montagnes ont encore leur charme ?

Nous avons une grande lessive, on me menace de pluie pour demain. Ce serait contrariant ! mais je crois qu’il y a un peu de taquinerie là-dedans. Maman va bien se fatiguer à Montmorency. Dis-lui mille choses de ma part que tu sauras bien trouver ainsi que pour papa[9] et Julien et pour Alfred car vous allez avoir sa visite. Je n’écris pas à Maman, cette lettre est pour elle aussi, car le temps me manque. Il faut que j’écrive à ma belle-sœur[10], à Mme Duméril, à Mme Clavery[11], et j’ai mon manteau grenat que je regarnis d’astrakan, ma robe de chambre à faire, les boutons à reculer à toutes les affaires de Charles car il engraisse, tout le monde lui fait compliment de sa mine, tu comprendras si je jouis de leur voir à tous des mines si ouvertes, c’est mon bonheur, la maison était si triste ! < > pour cela ne crois pas que notre chère Caroline[12] soit oubliée nous pensons tous à elle et les enfants même en parlent < > tant cela est doux < > de part et d’autre <et je n’ai qu’un> désir c’est de contribuer en ce qui dépend de soi au bonheur commun.

Mille baisers pour toi et les nôtres,

Sœur amie

Eugénie M.


Notes

  1. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers (bonne-maman Desnoyers).
  2. Marie (Mimi) et Emilie (Founichon) Mertzdorff, filles du premier mariage de Charles avec Caroline Duméril.
  3. La pluche ou peluche est une étoffe à poils souples proche du velours.
  4. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril et mère de Caroline.
  5. Charles Mertzdorff, époux d’Eugénie Desnoyers.
  6. Marie Caroline Roth, épouse de Frédéric Jaeglé.
  7. Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel, oncle de Charles Mertzdorff.
  8. Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
  9. Jules Desnoyers et ses fils Julien et Alfred.
  10. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  11. Amica Le Roy de Lisa, veuve d’Amédée Clavery.
  12. Caroline Duméril, première épouse de Charles Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 25 octobre 1864. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_25_octobre_1864&oldid=51744 (accédée le 18 décembre 2024).

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