Mardi 15 et mercredi 16 novembre 1864

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)

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Vieux-Thann 15 Novembre 64

6 h

Ma chère petite Gla,

J’ai reçu ce matin la bonne lettre de Maman[1] ; je suis vraiment honteuse de toute la peine qu’elle prend pour nous mais je serai bien heureuse d’en profiter et c’est, je crois, le meilleur remerciement que je puisse lui adresser.

Nous n’arriverons pas encore cette semaine ; on monte en ce moment des machines que Charles[2] voudrait voir en marche avant de quitter. Nous pensons vous arriver de Samedi prochain en huit le soir, nous voyagerons de jour ; mais vous aurez encore de nos nouvelles avant. Santés toujours bonnes. Les enfants[3] ne sont plus enrhumées, Charles court dans toute la fabrique et ne s’est jamais mieux porté, et moi j’ai retrouvé mes jambes et je me sens parfaitement bien, je n’ai plus le moindre malaise.

Je suis bien contente de voir que tu prends la même voie ; car il me semble que tu mènes une vie assez agitée et dont tu te trouves bien, c’est bon signe.

Alphonse[4] réussit toujours dans ses concours, Maman me dit cela et je m’en réjouis pour toi, qu’au moins il soit dédommagé de ses peines.

Dimanche nous avons fini nos visites ; partout nous avons été parfaitement reçus. Nous aurons quelques courses à faire ensemble, et puis Charles a le désir d’aller au spectacle, nous aimerions à entendre de la musique afin de voir si cela nous plaira autant que nos petites soirées où nous entendons les opéras les plus beaux sans quitter le coin de notre feu ?

Tu serais bien gentille de faire arranger mon chapeau bleu ; (le chapeau de velours noir va très bien) j’aimerais des plumes, quelque chose de pas trop voyant et de joli, des plumes naturelles par exemple si ça se porte encore et pas trop de blanc. Je le mettrai à Paris pour faire mes visites de famille. Puis il me faudra une robe de soie pour mettre avec en pendant de ma robe de soie noire puis une robe de laine, ainsi je prie Mme Bourrelier[5] de compter sur moi parce que je serai très pressée.

Je n’ai pas récrit à Amélie[6], dis-moi lorsqu’il y aura quelque chose de nouveau ; elle sera inquiète jusqu’à ce qu’elle tienne son baby dans ses bras.

Mes petits choux me mangent toujours de caresses, ce matin on m’a apporté un bouquet et un pot de réséda pour ma fête, en surprise, mais elles m’avaient fait leurs confidences à condition que je ne dirais pas à Cécile[7] qu’elles me l’avaient dit.

On veut toujours t’écrire ; Mimi prétend que maintenant tu es sa marraine[8] et elle veut t’appeler marraine.

Bonsoir, ma Gla, je vais mener les enfants chez leur grand-mère[9] avant le souper.

Mercredi 1 h

Charles est à Mulhouse, peut-être ne reviendra-t-il que demain soir, il resterait à Morschwiller. Ce serait la première fois qu’il s’absenterait si longtemps, aussi ça <l’ennuierait> bien en perspective. Il fait un temps épouvantable, pluie et vent. Nous travaillons tant et plus à habiller des pauvres enfants ; je donne les leçons à Mimi, je vais tâcher d’écrire à Alfred[10], puis j’irai chez Mme Mertzdorff[11] qui n’est pas très bien sans être malade. Et notre chère Maman, comment est-elle réellement ? elle ne me parle pas de sa santé.

Adieu, ma Chérie, je t’embrasse bien fort. Melcher[12] attend ma lettre mais je vous dirai encore que je vous aime tous. E. M.


Notes

  1. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  2. Charles Mertzdorff, époux d’Eugénie Desnoyers.
  3. Marie (Mimi) et Emilie Mertzdorff, filles du premier mariage de Charles.
  4. Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
  5. Mme Bourrelier, couturière.
  6. Amélie Desmanèches, épouse d’Emile Delapalme. Elle va accoucher (de la petite Geneviève) et a déjà perdu un enfant à la naissance.
  7. Cécile, bonne des petites Mertzdorff.
  8. Eugénie est la marraine de Marie.
  9. Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.
  10. Alfred Desnoyers, frère aîné d’Eugénie et Aglaé.
  11. Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.
  12. Melchior Neeff, concierge chez les Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 15 et mercredi 16 novembre 1864. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_15_et_mercredi_16_novembre_1864&oldid=40718 (accédée le 22 décembre 2024).

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