Mardi 25 août 1885

De Une correspondance familiale

Lettre de Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril (Paris) à leur petite-fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Portrieux en Bretagne)


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Paris 25 Août 1885

Ma chère & bonne Marie

Tu vois que nous nous sommes conformés à tes recommandations en ne nous fatigant pas à t’écrire : mais aujourd’hui qu’Émilie[1] n’est plus là pour nous servir d’intermédiaire, il est pourtant juste que nous te donnions de nos nouvelles & que nous te remercions de ta charmante & si affectueuse lettre du 12 Courant.

Oui nous n’avons pas douté que vous pensiez souvent à nous pendant vos longues absences comme vous saviez vous-mêmes que nous étions souvent près de vous par la pensée mais nous savions qu’une jeune mère qui a trois enfants en bas âge[2] a peu de temps pour écrire surtout si ces enfants ont de petites indispositions & comme tu étais en correspondance suivie avec ta sœur nous étions réciproquement tenus au courant de ce qu’il nous intéressait de savoir surtout sur les santés & tout était ainsi pour le mieux.

Damas[3] rentré hier matin de campagne nous a apporté de bonnes nouvelles de tout son monde : Émilie aura moins à faire dans son habitation que nous ne le pensions, & qu’elle ne le pensait elle-même, les peintres avaient mis les planchers en encaustique & frottés : Pauline la concierge avait déjà bien mis des choses en ordre, le doigt de ta sœur allait mieux ; il n’y a que le cheval qui ne va pas comme on voudrait.

Nous avons été bien charmés, ta bonne-maman[4] & moi de voir un instant Marcel[5] en rentrant de notre promenade au Luxembourg comme il te l’aura raconté il nous a donné de bonnes nouvelles de chacun & nous a apporté un splendide échantillon des bonnes mines qu’on prend à Portrieux où vous avez été particulièrement favorisés par le beau temps. Cette nombreuse réunion de famille a aussi rendu votre séjour bien agréable : ce sont de ces heureux moments qu’on ne rencontre pas souvent dans la vie.

Nous aurions été fort heureux d’accepter votre bonne invitation d’aller nous joindre à vous, mais cela n’était réellement pas possible : cela aurait été une grande complication pour vous d’avoir à soigner un convalescent soumis à un régime particulier, mangeant à des heures fixes ; ne pouvant pas faire de promenades un peu longues & pour moi aussi il valait bien mieux me tenir tranquillement à la maison à suivre les prescriptions des médecins : ce dont du reste je me suis bien trouvé puisque je suis tout à fait bien maintenant & n’ai plus qu’à reprendre des forces. Votre bonne-maman aussi débarrassée des inquiétudes qui l’avaient bien fatiguées à Vieux-Thann avait besoin de la vie tranquille & régulière que nous menons depuis le commencement du mois, aussi je trouve qu’elle démaigrit un peu & elle dort généralement bien. A Brunehautpré nous tâcherons de continuer nos habitudes de Paris & une vie un peu à part, tout en jouissant d’être réunis en famille.

Marcel nous a dit que vous aviez eu jeudi dernier, je crois, la visite de vos tantes Eugénie[6] & Adèle[7] avec quatre des enfants Soleil[8] & que votre sœur a dit qu’elle viendrait passer le mois d’Octobre à Paris, comme nous l’en avions priée ; en lui écrivant hier je lui ai dit que nous regardions comme un engagement ce qu’elle avait dit là chez vous. Ses lettres deviennent de plus en plus rares.

Nous ne savons pas au juste ce qui se passe à Vieux-Thann. - Me voilà interrompu par une lettre que nous recevons de Léon[9] qui ne contient que de bonnes nouvelles. Marie a dû partir aujourd’hui pour Plombières accompagnée par son frère[10] qui y est depuis quelques jours à Vieux-Thann (bien entendu avec Hélène[11]).

M. Henri compte passer en revue les différentes stations balnéaires des Vosges comme médecin pour les bien connaître s’il y envoie des malades & se mettre en rapport avec les médecins attachés à ces établissements : il devait en faire autant aux eaux du midi de la France mais je ne sais pas s’il en aura le temps car il ne peut pas prendre un long congé. Mme Stackler[12] va bien mieux et peut descendre pour les repas. Samedi on a eu toute la journée le jeune ménage Refroigniez (Mlle Borel)[13] ainsi que Mlle Oberlé[14] chez laquelle il est à demeure à Schelestadt[15].

Marie a deux chambres retenues, qui sont contiguës à celle d’une amie qui les lui a fait garder. Quant à Léon il est content de n’avoir pas eu a accompagner sa femme ayant bien à faire à la fabrique après sa longue absence, il pourra facilement lui aller faire visite un peu plus tard.

Le pauvre Marcel fait des voyages bien fatigants. [Ils passent bien des nuits] en chemin de fer : il a du être hier à Senones, espérons qu’il n’y aura pas eu d’ennuis.

Je te quitte ma chère Marie en t’envoyant les meilleures tendresses de tes grands-parents, en te priant de nous rappeler au bon souvenir de ta belle-mère[16] & de ta belle-sœur[17] qui sont bien aimables d’avoir aussi pensé à nous.

Ton affectionné

C. Duméril

Tu sera doublement heureuse, ma bonne petite Marie, de recevoir une lettre de ton bon-papa puisque cela te prouve le rétablissement de sa santé. Que de remerciements de tes vieux parents pour toi, ma chère enfant qui nous as écrit la plus affectueuse lettre qu’on puisse lire, tu vois que d’après tes craintes manifestées d’une manière si touchante, ce n’est que tardivement que nous y répondons. Quel bonheur pour nous de vous savoir tous bien portants. Mille choses de notre part ,je te prie, à mesdames de Fréville et de la Serre sans oublier Jean[18] que nous aimons à suivre par la pensée dans ses diverses excursions faites avec Marcel, ce dernier a un teint de santé qui nous a réjouis. Nous embrassons bien fort nos chers enfants et petits-enfants.

Félicité Duméril

Si par hasard ton oncle et ta tante[19] sont à Portrieux, tu sais ce que nous leur envoyons en tendres amitiés.            


Notes

  1. Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart et sœur de Marie.
  2. Marie est mère de Jeanne, Robert et Charles de Fréville.
  3. Damas Froissart.
  4. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  5. Marcel de Fréville.
  6. Eugénie Duméril, veuve d'Auguste Duméril, grand-tante de Marie Mertzdorff-de Fréville.
  7. Adèle Duméril, fille d'Eugénie et épouse de Félix Soleil.
  8. Adèle Duméril-Soleil a cinq enfants : Marie, Léon, Pierre, Louise et Auguste Soleil.
  9. Léon Duméril, époux de Marie Stackler.
  10. Henri Stackler, médecin (« M. Henri »).
  11. La petite Hélène Duméril.
  12. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
  13. Jeanne Borel, nouvelle épouse d'Émile Refroigney.
  14. Clémentine Oberlé.
  15. Schelestadt = Sélestat, nom en usage avant 1871.
  16. Sophie Villermé, veuve d'Ernest de Fréville.
  17. Louise de Fréville, épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre.
  18. Jean Dumas.
  19. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Mardi 25 août 1885. Lettre de Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril (Paris) à leur petite-fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Portrieux en Bretagne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_25_ao%C3%BBt_1885&oldid=53428 (accédée le 21 novembre 2024).

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