Mardi 24 octobre 1899

De Une correspondance familiale



Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (château de Livet dans l'Orne)


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Brunehautpré 24 Octobre

Ma chère Marie,

Je vois que ma lettre adressée étourdiment à Livet Dimanche t’y aura trouvée. Sais-tu que nous avons bien l’intention de figurer au dîner de fiançailles[1] auquel nous sommes invités pour Lundi probablement. Ce sera une bonne occasion de nous voir. Nous serons très contents de faire la connaissance de M. et Mme de Place[2] et de jouir du bonheur des jeunes fiancés. C’est toi surtout qui as le droit d’en jouir, car c’est bien ton œuvre et celle de ton mari[3], vous y avez eu assez de mérite, assez de peine pour pouvoir maintenant prendre votre large part du bonheur de ces jeunes gens.

C’est aussi à toi, ma chérie, à toi la providence de tout le monde, que Marthe[4] doit d’avoir enfin une cuisinière. Cela t’a donné encore bien de la peine, ma pauvre amie, mais que de reconnaissance on a aussi de ce côté pour toi !

Nous avons des lettres assez désolantes de notre pauvre Jacques[5] qui ne se résigne pas à passer 3 semaines sans nous voir et qui me supplie de lui faire une visite demain. Je ne cède pas à ce désir qui ne me paraît pas très justifié, mais Damas[6] ira le voir Dimanche. S’il continue à me demander, j’irai avec son papa, sinon je partirai Lundi matin d’ici ce que je trouverais plus raisonnable, afin de ne pas laisser plus de 24 heures mes cinq enfants[7] seuls. Le pauvre Jacques est assez fatigué par les promenades du collège, il en revient souvent avec un fort mal de tête, c’est bien ennuyeux et nous nous préoccupons bien souvent de lui. Que tu es heureuse de n’être pas forcée de te séparer de tes fils[8] et heureuse aussi d’avoir des fils travaillant si bien ! Enfin je pense qu’il faut savoir attendre et ne pas se décourager si le développement physique et intellectuel ne se fait pas aussi vite qu’on le voudrait ; mais je crois que les mamans se résignent plus facilement à la patience que les papas. J’espère que lorsque nous serons revenus à Douai, qu’il nous sentira près de lui et nous verra régulièrement, le pauvre petit se fera plus facilement à sa nouvelle existence.

Faut-il être bien belle pour ce dîner de fiançailles ? j’ai ici ma robe de satin noir et ma robe verte recouverte d’étamine que j’avais à la première communion de Marie Thérèse[9], l’une ou l’autre pourra-t-elle suffire ou faut-il que Damas m’apporte un corsage avec transparent rose, manches à jour, guimpe ad libitum que je peux mettre avec ma jupe de satin ?

Adieu ma chérie, quelle joie de te voir bientôt. Je t’embrasse tendrement.

Émilie

Pourvu qu’on allègue pas la difficulté d’acclimater Hélène à la campagne en plein hiver pour remettre le mariage jusqu’après le carême, j’espère qu’on sera raisonnable, mais je voudrais en être sûre !

Je vais bien, je crois que j’oublie toujours de te le dire. Damas aussi va bien.


Notes

  1. Les fiançailles d'Hélène Duméril avec Guy de Place. Le mariage aura lieu le 5 février 1900.
  2. Henry de Place et son épouse Élisabeth Barthélemy de Chadenedes.
  3. Marcel de Fréville.
  4. Marthe Pavet de Courteille, épouse de Jean Dumas.
  5. Jacques Froissart.
  6. Damas Froissart, père de Jacques.
  7. Lucie, Madeleine, Michel, Pierre et Louis Froissart.
  8. Robert et Charles de Fréville.
  9. Marie Thérèse de Fréville.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Mardi 24 octobre 1899. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (château de Livet dans l'Orne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_24_octobre_1899&oldid=54094 (accédée le 22 décembre 2024).

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