Mardi 23 janvier 1877

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1877-01-23 pages 1-4.jpg original de la lettre 1877-01-23 pages 2-3.jpg


Paris le 23 Janvier 1877

Mon Père chéri,

Merci pour ta bonne lettre de ce matin ou plutôt merci pour Emilie[1] mais l’une ou l’autre c’est la même chose et comme j’ai lu en même temps qu’elle par-dessus son épaule j’ai bien droit aussi de t’adresser mes remerciements. Je suis bien contente de savoir que tu vas bien ; si tu savais comme je pense à toi en ce moment, mon petit Père chéri, et comme je voudrais pouvoir t’aider dans ton déménagement ! Pourvu que tu n’aies pas trop d’ennuis. J’ai été avec toi en rêve toute la nuit ; qui sait peut-être était-ce réciproque ?

Nous avons décidément le froid depuis deux jours ; le vent est glacé et ce matin tout était blanc et le thermomètre marquait 6° au-dessous de zéro. On trouvait très extraordinaire le temps chaud et comme on se plaint toujours, tout le monde s’en plaignait ; mais, à présent, il est à croire que ces conversations vont changer et que chacun [s’entendra] à dire que le froid est bien désagréable ;

Je n’ai pas grand-chose à te dire depuis Dimanche, jour où Emilie t’a écrit ; hier matin nous avons travaillé, puis à 1h je suis sortie avec tante[2] ; nous sommes allées chez M. Mandl[3] où tante retournait pour la dernière fois, puis chez Mme Lafisse[4] que nous avons trouvée très bien ainsi qu’Hortense[5] enfin chez Mme Denormandie[6] où j’ai revu Lucile avec beaucoup de plaisir, je la trouve vraiment très gentille.

Une voiture nous a conduites au cours d’anglais[7] où j’ai retrouvé ma sœur qui était venue de son côté avec Mme Pavet[8] et Marthe. Après le dîner, je me suis mise avec acharnement à mon devoir d’histoire qui m’amusait beaucoup et que j’ai fini ce matin. Oncle[9] pendant ce temps examinait des petites écrevisses puantes envoyées par ce bon M. de Folin[10] président de la fameuse société de Bayonne &&&&&

Nous avons été jouer tout à l’heure au croquet chez Marthe où nous avons retrouvé Jean[11] il faisait un soleil superbe aussi n’avons-nous pas eu froid. En rentrant je suis entrée au salon où se trouvaient Mme et Mlle Orfila[12] puis Marie Des Cloizeaux est venue passer un bon bout de temps avec nous ; nous lui avons montré tout l’appartement qu’elle ne connaissait pas ; elle part à l’instant et je vois avec surprise qu’il ne me reste que juste le temps d’écrire ma lettre avant l’heure de la poste.

J’ai fini ce matin à ma leçon mon petit Néron de face mais il est loin d’être parfait et Mlle Duponchel[13] l’a cependant encore fameusement redressé ; je crois que je vais recommencer une autre bosse.

Je te demande bien pardon, mon petit papa, de cette sale écriture, je crois que le peu de notes que je prends contribue encore à déformer ma pauvre écriture déjà si laide ; il faudrait que je m’applique, mais… que de choses que je devrais faire et que je ne fais pas !

Nous sommes invités tous à dîner Samedi prochain chez Mme Bureau[14] (dîner qui se répète tous les ans). Nous y retrouverons Jeanne Brongniart ce qui nous amusera. C’est Mardi prochain que nous irons à notre fameuse soirée chez Mme Ravaisson[15] ; nous n’y pensons pas beaucoup ; nous devons, demain, essayer nos robes, ce qui n’est pas le plus amusant de l’affaire. Adieu, mon cher papa, il ne me reste que juste assez de place pour t’embrasser ce qui se trouve bien car je suis en humeur bavarde et je pourrais bien laisser passer l’heure.

Je t’embrasse de toutes mes forces ainsi que bon-papa et bonne-maman[16].
Ta fille qui t’aime de tout son cœur.
Marie


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  3. Le docteur Louis Mandl.
  4. Constance Prévost, épouse de Claude Louis Lafisse.
  5. Hortense Duval.
  6. Marguerite Amélie Guyot-Sionnest épouse de Victor Paul Denormandie et mère de Lucile Denormandie.
  7. Cours d’anglais donné par Céline Silvestre de Sacy, épouse de Frédéric Foussé.
  8. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille et mère de Marthe Pavet de Courteille.
  9. Alphonse Milne-Edwards.
  10. Léopold de Folin.
  11. Jean Dumas.
  12. Stéphanie Bérard, épouse d’Augustin Félix Orfila et sa fille Paule Anne Gabrielle Orfila.
  13. Marie Louise Duponchel, professeur de dessin.
  14. Marie Decroix, épouse d’Edouard Bureau.
  15. Marie Françoise Aglaé Louyer de Villermay, épouse de Félix Ravaisson.
  16. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 23 janvier 1877. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_23_janvier_1877&oldid=59592 (accédée le 7 décembre 2024).

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