Mardi 22 novembre 1881

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Nancy)


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Paris 22 Novembre 81.

Mon cher petit Papa,

C’est donc à Nancy que je vais aller te chercher ce soir pour t’embrasser bien tendrement, te dire que je pense beaucoup à toi et te demander mille fois pardon d’être restée si longtemps sans t’écrire ; tu vois que j’ai bien des choses à faire mais comme il est 9h passé et que tu as probablement déjà quitté tante[1] pas je vais aller te trouver dans ta chambre et me donner le temps et le plaisir de causer bien longuement avec toi à moins que le sommeil ne vienne trop fortement s’emparer de moi ce qui pourrait encore arriver. Dis-moi d’abord mon Père chéri, si tu ne me trouves pas un peu paresseuse ? vraiment je ne suis pas satisfaite de moi, j’aurais dû t’écrire davantage, je me contentais de penser à toi, de former tous les matins le projet de prendre la plume puis de remettre ce projet au soir enfin me voilà arrivée à aujourd’hui ayant complètement supprimé une lettre, heureusement qu’Émilie[2] te tenait bien au courant et maintenant que j’ai bien fait mon acte de contrition j’espère que tu me pardonnes. Je continue à être assez occupée tout en n’arrivant pas à de bien beaux résultats : je range à perpétuité, je m’occupe de ma Jeanne[3] chérie qui devient de plus en plus gentille ; je rentre plusieurs fois par jour pour ses repas, tout cela prend du temps. Cette chère petite va de nouveau à merveille, elle a repris ses couleurs et sa bonne humeur est plus joueuse que jamais et nous amuse beaucoup. Elle essaie maintenant d’embrasser et de faire [bravo] et ses petites maladresses sont très amusantes. Tous les jours depuis notre retour elle va au Luxembourg de 1h à 4h et elle aime énormément sa promenade. Nous avons recommencé aussi ses bains elle en prend tous les 2 jours. J’ai été aujourd’hui avec elle au Jardin, notre pauvre tante[4] vient d’être un peu souffrante comme chaque année à cette époque-ci, je l’ai du reste trouvée beaucoup mieux cette après-midi ; quant à Émilie, elle va parfaitement. J’ai vu aussi bonne-maman[5] ; elle est un peu fatiguée mais va bien ; voilà ses rangements à peu près terminés et son appartement nous paraît très gentil. Bon-papa vient souvent nous voir dans l’espoir d’avoir des nouvelles d’Hélène[6] mais depuis quelque temps nous lui en fournissons moins et comme oncle Léon[7] n’écrit plus guère depuis qu’il va si souvent à Mulhouse ils sont assez privés de lettres. Nous venons d’avoir la visite d’Edmond Arnould[8], il est triomphant car il vient de réussir ce matin à son baccalauréat ès sciences et va grâce à cela pouvoir commencer de suite sa médecine. Toute sa famille est à Saint-Étienne, son frère Pierre[9] se mariait aujourd’hui pendant qu’Edmond était à la Sorbonne. Que d’événements différents dans une si nombreuse famille !

Marcel[10] va très bien il est assez occupé en ce moment mais s’en réjouit. Et maintenant mon Père chéri que j’ai passé tout notre entourage en revue, laisse-moi te parler un peu de toi ; comment vas-tu ? ton voyage ne t’a-t-il pas fatigué ? comment va tante Zaepffel ? comment as-tu laissé Hélène ? J’espère que nous, ou du moins Émilie, aurons bientôt une lettre de toi, en attendant je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime.

Your very very happy girl most happy

Marie

Embrasse bien tante pour moi, dis-lui tous les vœux que je fais pour son prochain rétablissement.

Puisque je t’ai parlé de notre charretier blessé, je vais te dire qu’il va mieux et que son doigt n’était pas cassé.

Tu sais, cher petit Papa, que nous comptons absolument t’embrasser sous peu de jours, cela nous ferait tant de plaisir que tu ne renonceras pas à venir embrasser tes 3 filles[11].


Notes

  1. Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel et sœur de Charles, à Nancy, malade (« tante Zaepffel »).
  2. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  3. Jeanne de Fréville.
  4. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  5. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril ("bon-papa"); ils ont emménagé rue des Fossés Saint-Jacques en novembre.
  6. Hélène Duméril, petite-fille des Duméril, en convalescence.
  7. Léon Duméril, père d’Hélène.
  8. Edmond Arnould (fils).
  9. Pierre Arnould épouse Alice Forest.
  10. Marcel de Fréville.
  11. Marie et Émilie Mertzdorff, et la petite Jeanne de Fréville.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Mardi 22 novembre 1881. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_22_novembre_1881&oldid=40860 (accédée le 24 avril 2024).

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