Mardi 21 janvier 1817

De Une correspondance familiale


Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à ses beaux-parents François Jean Charles Duméril et Rosalie Duval (Amiens)

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n° 239

Paris 21 Janvier 1817

Mes chers Parents, apprenant par Montfleury[1] qu’il a une occasion pour Amiens, je veux aussi en profiter, causer un moment avec vous, et vous dire que nous sommes tous bien portant ici ; que nous pensons beaucoup à vous, et que si nous ne vous le témoignons pas plus souvent c’est faute de savoir trouver un temps pour écrire. Nous espérons toujours que vous êtes assez bons pour ne pas trop nous en vouloir, et que vous êtes bien persuadés de la joie que nous éprouvons chaque fois que nous avons de vos bonnes nouvelles. Notre neveu m’a dit qu’il avait eu le plaisir, ces jours derniers, de recevoir de l’écriture de presque toute la famille et que vous paraissiez tous assez bien. Il parait toujours très heureux quand il reçoit de vos lettres mais il le témoigne à sa manière, car sa manière d’exprimer reste toujours la même, nous voyons avec peine qu’il n’est pas plus à son aise avec nous que dans les premiers temps qu’il a passés à Paris ; Je ne doute pas qu’il ne nous soit fort attaché, eh bien quand il est avec nous il est totalement comprimé au point qu’il est quelquefois une demie-journée presque sans parler ; cela est d’autant plus dommage que nous savons par plusieurs de ses camarades d’études pour la médecine qu’il peut être fort aimable et qu’avec eux il parle très volontiers. Notre manière avec lui n’est pourtant pas propre à l’intimider, ainsi je crois que maintenant il n’y a que le nombre des années qui pourra changer cela. Malgré son silence on voit de l’obligeance dans son caractère, il a beaucoup de complaisance pour mes enfants[2] qui se sont fort attachés à lui. Au total il parait content de son genre de vie et goûter ses études.

Nous ne menons point un genre de vie mondain, et pourtant nous sommes presque toujours en société. Sans compter les visites de la journée nous en avons habituellement quelques-unes le soir, ce qui nous arrange beaucoup mieux que de sortir, chose qui arrive pourtant de loin en loin ; Nous avons auprès de nous depuis quelques semaines notre jeune et aimable amie Mlle de Carondelet, qui restera encore quelque temps avec nous, et qui, comme ainsi que nous, aime beaucoup mieux rester à la maison que d’aller dans le monde ; Cependant nous la conduirons dans quelques jours à un concert et à une petite danse. Elle me charge de vous dire mon cher papa, qu’elle vous envoie ses tendres respects et qu’elle a bien du plaisir à regarder tous les jours votre portrait[3], dont la grande ressemblance nous fait à tous une bien grande jouissance, nous regrettons bien ma chère maman de n’avoir pas aussi le vôtre.

Je n’ai que de bonnes choses à vous dire de vos deux petits-fils qui se portent parfaitement, et qui sont tous deux excellents garçons. Auguste ne parle point encore bien, mais nous aimons ce langage enfantin ; c’est un petit personnage qui aime prodigieusement les caresses, et aime beaucoup qu’on s’occupe de lui, mais si on n’en a pas le temps, il prend son parti et sait parfaitement s’amuser tout seul. Il nous fait maintenant toute sorte de petits discours très amusants ; son frère se développe beaucoup pour le raisonnement et la réflexion, et il a le caractère le plus doux et le plus aimant qu’il soit possible de voir. Il n’est pas encore grand travailleur cependant peu à peu il meuble passablement sa tête. Je l’ai réuni à trois enfants d’une famille de nos amis pour une leçon de danse qui se prend trois fois par semaine. Dans le nombre des enfants il y a deux jeunes Demoiselles de son âge à peu près, et comme il a déjà beaucoup de penchant pour le beau sexe, cela lui fait paraître sa leçon d’autant plus agréable.

Votre fils[4] est toujours occupé de manière à ne lui laisser presque aucun moment de loisir, il a souvent de la fatigue mais il n’est pas mécontent de sa santé, pourtant il a eu ces temps-ci un rhume assez fort, mais il est à peu près terminé et il a rarement des migraines. Il vous envoie mille amitiés et respects, et se joint à moi pour dire un million de choses affectueuses à ma sœur[5], ainsi qu’à mon beau-frère Désarbret[6].

Votre petit-fils Constant[7] vous présente son respect ; maman[8] me recommande de vous présenter à tous deux, mes chers Parents, ses civilités les plus empressées ; et moi je vous prie de recevoir l’expression des souhaits que je forme continuellement pour tout ce qui peut contribuer le plus à votre bonheur. Recevez je vous prie mes bien chers Parents les embrassements tendres et respectueux de votre toute dévouée fille.

A. Duméril


Notes

  1. Florimond Duméril (le jeune) dit Montfleury, neveu d’AMC Duméril.
  2. Louis Daniel Constant et Auguste Duméril.
  3. Il s’agit du portrait peint par Louis Léopold Boilly, qu’AMC Duméril fait lithographier quelques mois plus tard par Nicolas Henri Jacob – voir la lettre du 9 mai 1818.
  4. André Marie Constant Duméril.
  5. Reine Duméril, sœur d’André Marie Constant Duméril.
  6. Joseph Marie Fidèle Duméril dit Désarbret, frère d’André Marie Constant Duméril.
  7. Louis Daniel Constant Duméril.
  8. Marie Castanet, veuve de Daniel Delaroche.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 3ème volume, p. 150-154)

Annexe

A Madame

Madame Duméril

Petite rue saint Rémy à Amiens

Pour citer cette page

« Mardi 21 janvier 1817. Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à ses beaux-parents François Jean Charles Duméril et Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_21_janvier_1817&oldid=40834 (accédée le 22 décembre 2024).

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