Mardi 21 février 1843

De Une correspondance familiale


Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à son ami Pierre Bretonneau (Tours)


Paris, 21 février 1843.

J’ai été bien peiné, mon cher ami, de ne m’être pas trouvé au jardin quand vous êtes venu m’y chercher ; mais pourquoi aussi attendre au dernier moment pour chercher à embrasser vos amis ! Ma femme et mon fils[1] ont été désolés comme moi, et nous espérons bien que dans pareille circonstance vous aurez soin de nous avertir que vous êtes à Paris, et nous trouverons bien moyen de vous y voir.

J’ai été prié par un de mes amis de prendre auprès de vous, sub fide medica, quelques renseignements, sous le rapport de la santé héréditaire uniquement, sur une famille dont on sait que vous avez la confiance. Vous concevez que dans tous les cas votre réponse ne sera communiquée que très indirectement. Le nom seul de cette famille m’a été donné, c’est celle de M. de Ch… Si vous voyez quelques inconvénients à me faire une réponse, écrivez-le moi, et cela suffira.

Puisque je vous entretiens d’une affaire de famille, je crois devoir vous instruire, par l’intérêt et la véritable amitié que vous portez à la mienne, que mon fils Auguste va se marier. Il épousera vers la fin d’avril sa cousine germaine[2], dont la sœur est déjà ma belle-fille. Ce mariage nous fait le plus grand plaisir ; par cette circonstance mon fils ne nous quittera pas, et sa mère en est fort heureuse. Nous avons justement au deuxième étage de notre habitation, au jardin du Roi, un appartement modeste, mais suffisant pour les loger au moins pendant les trois ou quatre premières années de leur ménage, qui sera le nôtre et ne les entraînera presque pas en dépenses.

Mon fils Auguste s’est décidé à se livrer aux sciences naturelles, qu’il espère pouvoir professer par la suite. Il vient de lire à l’Académie des sciences un mémoire sur la nature physique et chimique des matières odorantes. Ce travail, qui a exigé de lui beaucoup de recherches, lui fera, j’espère, quelque honneur. Il se prépare maintenant à des études générales pour obtenir le grade de docteur ès sciences comme il a celui de médecin.

Par délicatesse il n’a pas voulu se livrer exclusivement aux études relatives aux chaires d’histoire naturelle que j’occupe au Muséum, où il aurait eu la chance d’abord de me suppléer comme je l’ai fait longtemps pour M. de Lacépède, puis ensuite de me remplacer ; mais il a craint de nuire à l’avancement de mon aide naturaliste[3] que j’ai associé à mes travaux, à mes publications d’Erpétologie. Il est lié avec ce jeune homme, et il est cependant à craindre que ce dernier ne soit pas mon remplaçant, par quelque circonstance que je ne dois pas vous dire ici.

En voilà bien long, mon cher ami ; mais je n’ai pas voulu écrire, ayant occasion de vous parler d’une affaire particulière, sans vous communiquer ces détails, auxquels je ne doute pas que vous ne prendrez intérêt par l’amitié que vous nous portez et que nous avons pour vous.


Notes

  1. Alphonsine Delaroche et Auguste Duméril.
  2. Eugénie Duméril, dont la sœur Félicité a épousé Louis Daniel Constant en 1835.
  3. Georges Bibron.

Notice bibliographique

D’après Paul Triaire, Bretonneau et ses correspondants, Paris, Félix Alcan, 1892, volume II, p. 399-401. Cet ouvrage est numérisé par la Bibliothèque inter-universitaire de médecine (Paris)

Pour citer cette page

« Mardi 21 février 1843. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à son ami Pierre Bretonneau (Tours) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_21_f%C3%A9vrier_1843&oldid=42743 (accédée le 21 novembre 2024).

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