Mardi 1er et mercredi 2 juin 1869 (B)
Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Mardi soir
Mon cher Charles,
Dans ta lettre datée de Dimanche soir tu ne me parles pas de venir, et moi je t'attends toujours. Aglaé[1] dit qu'il en était déjà ainsi l'année dernière au bord de la mer ; il faut que ce soit un instinct car mes petites filles[2] et moi partageons cette même pensée. C'est le désir que nous avons de te revoir qui nous fait toujours croire à la possibilité de ton retour ; on aime à croire à ce que l'on aime.
Ce pauvre oncle Georges[3] parait bien pris, il va en avoir pour quelque temps ; c'est triste que cela lui revienne si souvent.
Aujourd'hui je suis descendue avec mes fillettes et Cécile[4] à Nogent pour faire visite à Mme de Torsay[5], son beau-père[6] m'avait dit qu'elle devait passer la journée à Nogent, mais pendant que nous étions en ville, elle est montée à Launay sans que nous nous rencontrions sur la route. Il faisait très beau, et j'ai fait quelques commissions et fait voir aux enfants le cloître dont bon-papa[7] avait parlé, ainsi que St Laurent et ND. Elles étaient enchantées et la maman aussi, on ne peut pas s'empêcher d'être satisfait en les regardant. Marie est très brunie, et Emilie aussi, c'est bon.
Petit Jean[8] va bien aujourd'hui. Cette pauvre tante Aglaé n'est plus inquiète. Ce petit garçon est vraiment bien gentil par son intelligence et ses réflexions. Il continue à avoir une profonde tendresse pour Emilie.
Toutes les réflexions que tu me fais à propos des élections sont juste celles qui se font ici ; ce n'est pas à l'éloge du suffrage universel. C'est honteux pour les électeurs. car les nominations des candidats libéraux dans certaines circonscriptions sont au contraire la preuve du manque de jugement personnel et pour éviter l'ombre d'une influence administrative on subit tout le joug d'un enrôlement[9] quelconque et on vote d'ensemble pour le candidat qu'on vous dit libéral. Le mot y est ; c'est tout !
Je suis contente pour les écoles, tu as bien fait de demander pour les enfants un arrangement convenable, pour qu'on ne prenne pas sur leurs heures de classe pour courir la mousse &.
J'aurai plaisir à revoir les nouveaux bâtiments de notre Ecole. Vois-tu quelque chose dont nous aurions besoin ? Il me semble que nous avions marqué l'année dernière différentes choses à acheter chez Hachette pour les salles d'asile ?
Je ne te répète plus notre programme ; tu le connais : Vendredi nous quittons Launay à moins que tu ne veuilles y venir ? Tout continue à être superbe. Il fait très beau mais froid nous avons un peu de feu dans la bibliothèque
Bonsoir, mon chéri, je t'embrasse comme je t'aime et mes petites filles en font autant
toute à toi
Eugénie M
Mercredi matin 8 h 1/2
Bonjour, mon cher Ami, Tu vois que nous avons fait grasse matinée. Et toi comment vas-tu ? Décidément tu ne viendras plus ; il fait si beau. Aussi nous allons voir aujourd'hui à parler pour la besogne à laisser, puis demain les paquets. Maman[10] ce matin n'a plus sa bonne mine des jours passés. Adieu Ami chéri, à bientôt, j'espère, on ne jouit de rien quand on est ainsi séparés.
Eugénie M
Notes
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Cécile, bonne des petites Mertzdorff.
- ↑ Clotilde Duméril, épouse de Charles Courtin de Torsay.
- ↑ Auguste Courtin de Torsay.
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Eugénie écrit : « enrôlage ».
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 1er et mercredi 2 juin 1869 (B). Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_1er_et_mercredi_2_juin_1869_(B)&oldid=40788 (accédée le 15 novembre 2024).
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