Mardi 18 août 1835
Lettre d’Auguste Duméril (Blois) à sa mère Alphonsine Delaroche (Paris)
Blois Hôtel de l’Europe Mardi 18 Août 1835 6 h. du matin.
Je t’ai écrit bien à la <hâte> d’Orléans, ma chère maman, mais c’est que j’avais extrêmement peu de temps à moi, ayant à déjeuner et à visiter la ville en 2 heures. La première de ces deux choses a été vite faite, quant à la seconde, je l’ai fait de mon mieux, et j’ai pris une assez bonne idée de la ville qui n’est pas une jolie ville mais très animée. La cathédrale est magnifique, la Loire y est d’une très grande largeur, et elle est traversée par un superbe pont à 9 grandes arches ce qui peut te donner l’idée de sa longueur. Au reste ici, il y en a un sur la Loire aussi qui a 13 arches, mais il est bien moins placé que celui d’Orléans. J’ai vu aussi la statue de Jeanne d’Arc qui n’a rien de très remarquable.
Je suis parti d’Orléans à 9 heures, dans une voiture des grosses messageries qui fait le service de cette ville à Blois. Nous sommes arrivés ici vers deux heures ½, nous n’avons donc mis que 5 h ½ à parcourir les 15 lieues que nous avions à franchir, c’est certainement aller fort vite. Le voyage de Paris à Orléans, s’est fait aussi avec une rapidité qui m’a beaucoup charmé, puisque nous étions à 7 heures moins un quart à notre destination. Pendant cette dernière route, j’ai dormi presque tout le temps, et n’ai échangé quelques paroles qu’avec un monsieur qui était en face de moi. Il n’en n’a pas été de même hier où j’ai regardé autant que j’ai pu. J’étais dans le coupé avec un monsieur de Blois qui m’a indiqué plusieurs choses importantes à regarder sur la route, entre autres Chambord, mais que j’ai aperçu si peu distinctement, que c’est comme si je ne l’avais pas vu. C’est une excursion que j’aurais été curieux de faire, car il paraît que ce château est magnifique, mais il faut au moins 5 heures, 2 pour aller, 2 pour revenir et une pour rester. Si j’avais eu plus de temps aussi hier matin, j’aurais été près d’Orléans, à une lieue environ, voir la source du Loiret, qui est dit-on assez curieuse. Je suis donc arrivé à 2 heures ½, ou plutôt 3 heures ; je suis monté dans ma chambre où je me suis rapproprié sans cependant défaire en quelque sorte ma malle, j’ai été me promener dans la ville, j’ai été visité le château ancien qui est maintenant une caserne. Il est fort curieux ; je remets à plus tard les détails. J’ai pris quelques notes. Je suis revenu à l’hôtel pour dîner à 5 heures, ce dont je me suis fort bien acquitté et sans crainte, (ma ...... étant vraiment finie) je te dis cela pour te tranquilliser. C’était une table d’hôte, mais très peu amusante, je suis retourné me promener après dîner ; j’ai vu la cathédrale, le jardin de l’évêché d’où l’on a une vue très curieuse, étant construit sur la hauteur, car la ville est sur un coteau, et il y a la partie haute de la ville et la partie basse, la préfecture qui est fort belle et enfin j’ai parcouru la ville le plus que j’ai pu. Je suis rentré vers huit heures ¼, suis entré dans un très joli café qui sert d’estaminet en même temps et qui dépend de l’hôtel où je suis descendu ; j’y ai passé une heure à peu près à lire les journaux et à examiner les gens, je suis retourné me promener encore un peu, puis me suis couché à 10 heures et je n’ai fait qu’un somme jusqu’à 6 heures 1/4. Ma chambre donne sur un belle rue, dont l’autre côté au lieu d’être bordé de maison, l’est par les grands arbres d’une belle promenade au-delà de laquelle on aperçoit la Loire. On construit dans ce moment sur cette promenade des baraques pour la foire qui doit commencer dans quelques jours. Je vais me promener encore jusqu’à l’heure de mon départ pour Tours qui aura lieu ce matin à 10 heures par une petite voiture qui va de Blois dans cette ville. Les diligences ne pouvant pas me promettre de place, et me faisant craindre de ne pas pouvoir m’en donner au passage des diligences qui seraient sans doute pleines, j’ai préféré m’assurer cette place. Il paraît que la route est magnifique, et si j’étais parti à minuit comme cela aurait pu m’arriver, je n’en n’aurais pas joui du tout et puis d’ailleurs je suis très content d’avoir vu Blois qui me plaît beaucoup par sa position, bien que la ville par elle-même ne soit pas fort jolie. Je serai dans la journée à Tours, je pense que j’irai de suite voir Bretonneau[1] qui me dira ce que j’aurai de mieux à faire pour aller à Angers, si je devrai prendre la diligence, ou le bateau à vapeur. J’espère que voilà bien des détails. J’espère ne pas trop tarder à recevoir une lettre de toi à Angers, je pense que tu feras bien de l’adresser chez M. Fourier Ingénieur des Ponts et Chaussées.
J’espère que vous êtes tous bien, que papa[2] est en bonne disposition pour son départ de demain, que Félicité[3] n’a pas trop de malaise, et que toi, ma chère maman, ma chère maman, tu n’es pas trop fatiguée comme cela t’arrive d’ordinaire.
Adieu, ma chère maman, je t’embrasse de tout cœur ainsi que Constant et Félicité, je ne dis pas papa, car je présume qu’il sera parti, quand ma lettre arrivera.
Bien des choses à ma tante[4], mille amitiés à Eugène et à Alphonse[5].
Tout à toi, ton fils affectionné
A. Auguste Duméril.
Je t’ai écrit bien à la hâte et ma lettre est bien incorrecte, je m’en aperçois en la relisant.
Ici on ne m’a pas demandé mon passeport.
Notes
Notice bibliographique
D’après le livre des lettres de Monsieur Auguste Duméril à M. Henri Delaroche (suite), 4ème volume (Voyage à Angers et sur les bords de la Loire, jusqu’à Saint Nazaire, pendant qu’Auguste l’ingénieur était en mission à Angers en 1835), p.989-993.
Pour citer cette page
« Mardi 18 août 1835. Lettre d’Auguste Duméril (Blois) à sa mère Alphonsine Delaroche (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_18_ao%C3%BBt_1835&oldid=43170 (accédée le 9 octobre 2024).
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