Mardi 14 avril 1874
Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à sa petite-fille Marie Mertzdorff (Paris)
Niedermorschwiller 14 Avril 1874.
Ma chère et bonne petite Marie,
C’est donc demain que tu auras tes quinze ans révolus, et je viens tant en mon nom qu’en celui de ton grand-père[1] t’adresser mille félicitations sur l’anniversaire de ce jour heureux qui nous a donné une enfant que tous, nous aimons tant et qui mérite si bien l’attachement qu’on lui porte. A quinze ans l’enfance se termine et fait entrer dans la période qui apporte la réflexion et une certaine expérience malheureusement que trop développée quand de grands malheurs ont atteint les jeunes années[2]. Combien déjà, ma chère enfant, tu as réfléchi, mais ton cœur si meurtri t’a fait sentir en même temps quel trésor de tendresse, de bonté, et d’intelligence tu trouves en ta dévouée tante et son digne mari[3].
Tes deux mères chéries[4] qui sont au Ciel sourient sans cesse à nos bonnes petites[5], et tous dans un sentiment intime qu’on sent mieux qu’on ne peut exprimer nous remercions Dieu de nous avoir donné deux petites filles que nous aimons tant. Inutile de te dire que nous avons par la pensée voyagé avec ton bon père[6], nous avons assisté de même à la joie de son arrivée, et à présent nous vous voyons tous réunis et bien contents de l’être.
Samedi soir nous est arrivé à pied, accompagné de son chien, notre neveu Georges[7], je l’ai trouvé pâle, il n’avait pas d’appétit et enfin a fini par m’avouer qu’il souffrait depuis quelques jours d’une sorte d’empoisonnement occasionné par les vapeurs de l’aniline. Il paraît que plus d’une fois il a été sujet à ces accidents-là en faisant de la chimie, je l’ai fortement engagé à prendre à l’avenir des précautions. Grâce à Dieu le voilà presque entièrement remis maintenant, il est sorti Dimanche avec ton oncle[8] et dans la journée j’ai eu la satisfaction de lui voir reprendre bon visage.
Sais-tu que Marie Stoecklin est allée passer près de trois semaines à Paris, elle aurait bien désiré vous voir toutes deux, et espérait un peu en se rendant au Jardin des Plantes vous trouver dans les allées ou à la ménagerie. Elle m’a dit qu’étant en omnibus elle vous a aperçues avec votre bon père, elle paraît charmée de son voyage, je lui trouve bonne mine et l’air bien content, quant à sa petite nièce Jeanne[9], c’est une délicieuse petite fille très avancée pour son âge, on voudrait presque l’arrêter dans sa croissance car elle grandit un peu trop. Je te remercie bien de ta bonne lettre qui n’avait pas besoin d’être achevée pour me faire bien plaisir, j’aime tant à suivre mes chères petites dans leurs études et à penser au grand jour de la première communion.
Au revoir mes bonnes petites filles je vous embrasse bien fort ainsi que la chère tante et la bonne-maman Desnoyers[10]. Mille tendres amitiés à partager autour de vous tant de ma part que de celle de mon mari[11].
Félicité Duméril
Notes
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ L’enfance de Marie et sa sœur Emilie est marquée par le décès de leur mère Caroline Duméril, puis de la seconde épouse de leur père, Eugénie Desnoyers.
- ↑ Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Caroline Duméril (†) et Eugénie Desnoyers (†), épouses de Charles Mertzdorff.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Charles Mertzdorff, pour quelques jours à Paris.
- ↑ Georges Duméril.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Jeanne Heuchel.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 14 avril 1874. Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à sa petite-fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_14_avril_1874&oldid=40699 (accédée le 2 décembre 2024).
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