Mardi 12 et mercredi 13 septembre 1871

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Nogent-le-Rotrou-Launay)

original de la lettre 1871-09-12 pages 1-4.jpg original de la lettre 1871-09-12 pages 2-3.jpg


Vieux-Thann[1]

Mardi soir

Ma chère petite Gla,

Il est bien tard, mais comme demain je serai absente toute la journée je veux encore ce soir te griffonner quelques lignes pour te dire que papa et maman[2] vont bien, et te gronder de tes excès de délicatesse au sujet de Launay. Agis donc franchement en mon lieu et place, prends les choses dont tu as besoin comme je le ferais, fruits, légumes, pêche, chasse, linge, rideaux && je n'ai pas la moindre crainte que tu abuses de la moindre chose ; et loin de nous faire le moindre tort, je ne saurais assez te répéter combien Charles[3] et moi nous sommes heureux d'avoir pu vous offrir Launay, c'est pour nous une pensée qui nous console de ne pas vous avoir ; et nos figures s'épanouissent de plaisir de vous savoir Alphonse[4] et toi maîtres chez nous.

Ainsi c'est entrer dans nos vues que de prendre dans le jardin tout ce qu'il peut vous donner sans en demander le prix à Michel[5] ; et tu aurais bien ri en nous entendant, à qui mieux mieux, faire ton éloge de ce qui tu avais agi si judicieusement en laissant à Michel le plaisir de te préparer les choses comme il le ferait pour nous.

Ainsi ne te tourmente de rien, prends du linge dans l'armoire, mets les rideaux aux fenêtres && et dis-toi je fais bien plaisir à Charles et à Eugénie en agissant ainsi. Quand Alphonse va être de retour je suis sûre qu'il sera de notre avis. Maintenant, chers Amis, pour les réparations, faites comme vous feriez pour vous-mêmes, une poutre est une chose de 1ere importance, il faut faire pour le plus solide. A la ferme voyez aussi s'il y a des choses urgentes de réparation et fais faire. Et quant aux choses de luxe ou d'amélioration que tu verrais bonnes à faire faire, inscris-les sur ton petit carnet et tu pourras nous les communiquer, car c'est lorsqu'on habite qu'on voit les choses.

Demain nous projetons d'aller à Guebwiller et à l'abbaye de Murbach, nous partirons à 8h ½ et serons de retour à 6h. Le nous renferme papa, maman, Marie, Emilie[6], les 2 chevaux, le cocher[7] et ta très humble servante. Charles va à Mulhouse et ne sera pas de la partie. Mais le temps est encore si beau que nous voulons en profiter pour que maman voie quelque chose, ça lui fera plaisir. Elle est aussi bien que possible. Elle a travaillé aujourd'hui à sa petite bande de tapisserie qui est charmante et qui l'amuse à faire à cause du but. Les fillettes continuent à être bien gentilles avec maman. Cette bonne mère nous a remis les objets qui ont appartenu à notre Julien[8] et qui nous sont si précieux, tu comprends que cela a encore été une cause d'émotion, mais comme tu dis on ne s'en plaint pas, on serait désolé si on croyait oublier ce qu'on a tant aimé. Il n'y a pas de crainte. Mais avec papa il faut éviter de lui renouveler ses regrets, on sent qu'il souffre trop.

Jeudi Les Duméril[9] viendront passer la journée, j'ai invité à dîner M. Jaeglé et l'oncle Georges[10] pour qu'on parle de toutes choses ; Mme Zaepffel[11] m'a envoyé un lièvre ; tu vois que nous aussi nous avons un gibier et pouvons rivaliser avec vous.

J'espère que cette lettre t'arrivera plus tôt ; j'ai reçu ta dernière datée de Lundi aujourd'hui Mardi à 4h. Si le service continue ainsi, ça sera meilleur. Je vais encore affranchir ma lettre, tu me diras ce qu'on t'aura fait payer.

Bonsoir, ma Chérie, je t'embrasse de tout cœur pour papa, maman, les fillettes et moi sans oublier Charles qui a un grand faible pour Alphonse et toi, aussi vous partagerez à tous deux les tendresses que notre colonie vous envoie

EM.

11h soir Charles écrira prochainement à Alphonse pour lui envoyer la procuration, mais il a la procuration morale complètement, ainsi soyez sûrs d'être approuvés tous deux par nous.

Respects à Mme trézel12, et amitiés à Cécile[12] et Louise[13].

Mercredi 8h de la salle à manger. papa & maman déjeunent, ils vont bien et se disposent à faire la partie en question. Nous t'embrassons tous EM.


Notes

  1. Lettre sur papier deuil, non datée, à situer peu après l’arrivée des Desnoyers en Alsace.
  2. Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
  3. Charles Mertzdorff.
  4. Alphonse Milne-Edwards.
  5. Louis Michel Pieaux, jardinier.
  6. Les petites Marie et Emilie Mertzdorff.
  7. Possiblement M. Vogt.
  8. Julien Desnoyers (†).
  9. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  10. Georges Heuchel.
  11. Probablement Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  12. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  13. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 12 et mercredi 13 septembre 1871. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Nogent-le-Rotrou-Launay) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_12_et_mercredi_13_septembre_1871&oldid=40672 (accédée le 23 décembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.