Lundi 5 octobre 1874
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
Chère Marie
Comme hier Dimanche j'étais seul, il pleuvait presque toute la journée, ta bonne lettre de Samedi est venue très à-propos me distraire. Je m'associe bien franchement au plaisir de voir Noël[1] reçu à l'école. Le pauvre garçon le méritait bien après avoir travaillé comme il l'a fait. Il doit être bien heureux & je comprends le bonheur de sa mère[2] de voir son fils être dans la bonne moitié de l'admission de à l'école.
Nous sommes aujourd'hui en pleines vendanges ; la montagne est couverte de monde ; le temps n'est pas mauvais & quoique couvert, le baromètre nous dit qu'il continuera à faire beau. C'est une si désagréable besogne à vendanger pendant la pluie que je considère ce changement de temps comme un petit bonheur pour tous.
Profitant de ces quelques jours de chômage à la fabrique, nous faisons faire quelques grosses réparations & c'est un peu pour cela que je n'étais pas à Morschwiller. Quoique toute la journée tout seul, je n'ai pas trouvé le temps trop long & si j'avais eu pouvoir de le prolonger je l'aurais fait volontiers.
L'on s'habitue facilement à savoir se suffire à soi-même surtout lorsque l'on trouve plus d'occupations que l'on ne peut en faire. Dans ma journée je n'ai presque pas quitté le bureau & le soir j'ai écrit des lettres à M. Girol[3] pour ses petits garçons & à Charles Weymann à New-York. La mère de ce dernier[4] est venu hier matin me faire une visite assez longue & c'est à la suite de cet entretien que j'ai écrit au fils. Il y avait du reste deux ans que je ne lui ai plus donné de mes nouvelles.
Thérèse[5] m'a prié de faire remettre de l'argent à son frère qui désire rentrer de l'Amérique ; c'est ce que j'ai fait.
De vos petites amies[6], je ne sais rien vous dire, n'ayant pas encore fait ma visite à leur maman[7] & ne sortant pas de la cour, nulle chance de les rencontrer.
Comme nous ne travaillons pas je ne pense pas voir Léon[8] & la lettre de Marthe[9] n'arrivera à son adresse que Mercredi prochain.
L'on a fait la distribution du raisin de table ce sont tante Georges[10], Morschwiller[11] & M. le curé[12]. Par contre comme la récolte de Pommes de terre est assez abondante, il y aura à distribuer aux deux Orphelinats, c'est ce que je vais faire vers le milieu de la semaine. Te voilà au Courant de nos petites largesses, car vous êtes aussi un peu Compris dans ces distributions que j'ai souvent plaisir de faire en votre nom.
De la maison je n'ai rien à vous dire, il y règne une bonne & douce odeur de délicieux fromage de vendangeurs. Ce cher <parfum> doit faire le délice des légions de mouches qui se réfugient déjà dans les maisons aux premiers froids ; car il faut que vous sachiez que dans nos montagnes, il fait déjà froid le soir & matin tandis que les journées le soleil est encore bien vigoureux.
Au jardin j'ai déjà vidé les bassins & nos carpes de doivent pas être contrariées d'être dans le filtre ou nombreuse société les attendait déjà.
Je vais essayer de les nourrir avec de vieux apprêts que l'on jette, outre les deux grands pots de pommes de terre que Thérèse leur porte tous les jours.
Notre employé M. Hans ne va pas mieux, il est décidément fou & outre cela bien malade. Par contre Pétrus se soutient & n'a pas mauvaise mine.
Par contre M. Tschirret ne va pas & j'ai bien <peur> pour lui cet hiver.
Te voilà de nouveau ma chérie bien au Courant de ce qui se fait à Vieux-Thann, il ne me reste plus qu'à vous embrasser tous ton père qui t'aime
Charles Mff
Lundi midi 5 8bre 74.
Que tante[13] ne se préoccupe pas trop de la demande de Steinmann pour la <bourse> pour l'un de ses garçons. Il a pris ses dispositions pour cette année. L'aîné il le <mettra> à ses frais à St Remy, Haute-Saône, & le petit reste encore à Thann, ce ne sera donc que pour l'année prochaine qu'il lui faudrait de l'aide, par une bourse. C'est donc pour l'année prochaine que nous réclamons l'aide de tante toujours si bonne pour tous. Pensant à tous & s'oubliant toujours. Tu l'embrasseras à cette occasion pour moi & comme tu t'en acquitteras si bien je suis sûr que ton baiser sera bien reçu.
A l'instant l'on vient me dire que tout le monde fera plus de vin que l'on ne s'y attendait, de sorte que pour ce soir il y aura de la gaîté & du bruit des chants, ce que l'on aime bien voir & entendre.
Notes
- ↑ Noël Dumas, reçu à Saint-Cyr.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Xavier Jules Oscar Girol, père de Xavier Charles Oscar et de Paul Xavier Girol.
- ↑ Marie Anne Bürrer, épouse de Joseph Weymann.
- ↑ Thérèse Neeff, domestique chez Charles Mertzdorff.
- ↑ Marie et Hélène Berger.
- ↑ Joséphine André, épouse de Louis Berger.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
- ↑ Morschwiller où vivent les Duméril.
- ↑ François Xavier Hun.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 5 octobre 1874. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_5_octobre_1874&oldid=51766 (accédée le 22 décembre 2024).
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