Lundi 3 août 1868 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer)


original de la lettre 1868-08-03B page 1.jpg original de la lettre 1868-08-03B page2.jpg original de la lettre 1868-08-03B page3.jpg original de la lettre 1868-08-03B page4.jpg


CHARLES MERTZDORFF

AU VIEUX THANN

Haut-Rhin[1]

Ma chère Nie Me proposant d’aller demain à Morschwiller[2] je ne sais pas si je puis t’écrire le soir. Du reste rien d’important d’ici. Dans la journée je n’ai pas eu un seul petit moment de repos & surtout de satisfaction. Si tout ne vas pas à l’envers, au moins terriblement de travers & je n’ai pas été content.

C’est peut-être pour cela que je t’écris, car je me proposais de passer ma soirée au laboratoire.

La voiture de Morschwiller a été ici, mais sans lettre, ce qui me dit presque que l’on n’a pas été content de ne pas me voir Dimanche. J’ai écrit un petit mot à Léon[3] pour trouver la voiture avec M. Ruot[4] qui retourne à Paris après 2 mois de vacances, tu vois que mes employés sont plus heureux que moi, car je me reproche un peu mon long séjour à Launay.

Je suis toujours heureux de vous savoir tous si contents & heureux ; te lire est toujours une bien bonne récréation, qu’on se redonne généralement après son dîner dans la crainte de ne pas avoir tout lu la 1re fois. Que la santé de nos chères petites[5] se raffermisse qu’elles restent toujours sages & obéissantes c’est la meilleure récompense pour les quelques mauvaises heures que l’on passe.

Depuis 2 jours l’on travaille à enlever les divers tuyaux qui longent la maison d’habitation à l’emplacement de la Glacière. C’est un sale travail qui donne un peu d’ennuis.

Demain l’on va dévaliser notre Jardin pour la grande joie de St Dominique. L’on se prépare à de grandes fêtes. Bien entendu nous fermons boutique sans trop de mérite, car la besogne ne nous pousse pas. De même les maçons de la salle d’asile ne doivent pas travailler le matin, ce qui les contrarie bien un peu. Mais qui donnerait le bon exemple si le maire ne s’en mêlait pas. N’étant pas à la maison, je ne saurais porter mon cierge à la procession en tête de toutes les congrégations & ai été forcé de donner ma procuration à l’adjoint[6].

Si madame[7] était à la maison, je n’en doute pas que le dîner de M. le Curé[8] s’en ressentirait. Mais cette longue absence me mettant en grande peine, je ne vois pas pourquoi les curés n’en porteraient pas un peu cette de cette croix, par un petit moment d’abstinence.

Je n’ai vu personne autre aujourd’hui ; mais samedi soir M. & Mme Mairel[9] sont venus pour me voir, après leur souper, mais étant à la mairie, ils se sont un peu promenés au Jardin & sont rentrés.

Aujourd’hui Vogt[10] a dû en rentrant de Willer prendre les effets de ta nouvelle camériste[11] & la porter, je crois, chez la tante. Cette dernière m’a fait demander par son Mari le jour de ton retour. Je lui ai donné pour dernière limite le 20 Août. Suis-je présomptueux. La fille quitte le 5 ou a quitté & à ce qu’il paraît elle ira chez elle pendant tout ce temps à ce que j’ai pu comprendre.

Thérèse[12] n’a pas l’air de s’amuser beaucoup, elle n’a pas très bonne mine, ne me dit pas un mot, que ce qui est absolument indispensable. La pauvre fille ne continue à ne pas me répondre, lorsque je lui parle mariage. Entendons-nous, de son mariage. Elle n’est pas gaie & ne doit pas voir souvent son fiancé[13].

Comme je te le disais déjà M. Loeffel s’est marié[14], il en était grand temps disent les mauvaises langues & beaucoup la figure de la charmante fiancée. Ils sont en Suisse. De son mariage il n’a parlé à personne du bureau, il avait ses motifs. Pour toutes nos demoiselles de l’apprêt l’aventure doit être une bonne fortune.

J’ai dû faire racheter par M. Tschirret 2 bouts de forêt que j’avais vendus à M. Zurcher avec la ferme. ce sont 1 200 F de perte.

Par les journaux je vois que l’élection de M. Dumas fils[15] ne se fait pas sans trouble & de grands efforts du préfet du Gard[16]. L’on a requis la force armée. Probablement que l’on sait déjà ce soir ce qu’il en est à Paris, ou chez vous si Mme Dumas[17] est encore avec vous. Espérons que tant d’efforts seront couronnés de succès. ou les électeurs y mettraient trop de mauvaise volonté. Il est probable que ces 2 à 3 élections auront & finiront la date des élections générales.

Ici nous ne manquerons pas de candidats, tout le monde en veut & chacun a son petit coin & se croit un grand législateur.

J’ai commencé bien tard à t’écrire étant resté trop longtemps à fumer mon cigare au jardin. Il est dix heures. Les nouvelles que j’aurais encore à te conter ne sont pas assez intéressantes pour ne pas te dire un bonsoir en t’embrassant, & à nos petites fillettes que papa les embrasse bien & pense souvent souvent à elles.

J’espère pouvoir décider demain si nous cessons à faire les nanzouks[18] à Morschwiller pour ici quoique mon blanchiment ne soit pas encore entièrement fini.

De plus j’ai plusieurs essais en train ; s’il y a seulement une petite amélioration que cela puisse rester provisoire il est fort possible que je me décide à quitter la semaine prochaine, mais je n’ose encore l’espérer ce serait trop beau.


Notes

  1. En-tête imprimé.
  2. Chez les Duméril.
  3. Léon Duméril.
  4. Henri Ruot.
  5. Marie et Émilie Mertzdorff.
  6. Joseph Nagelin.
  7. Eugénie.
  8. François Xavier Hun, curé de Vieux-Thann.
  9. Alphonse Eugène Mairel et son épouse Joséphine Müller.
  10. Ignace Vogt.
  11. Victoire, qui doit entrer au service des Mertzdorff.
  12. Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
  13. Thérèse Gross espère épouser M. Himmel.
  14. Joseph Loeffel vient d’épouser Pauline Zwingelstein.
  15. Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  16. Stanislas Jean Bonffinton, préfet du Gard d’octobre 1865 à janvier 1869.
  17. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  18. Le nansouk (ou nanzouk) est un tissu léger de coton, utilisé en lingerie.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 3 août 1868 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_3_ao%C3%BBt_1868_(B)&oldid=61865 (accédée le 22 décembre 2024).

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