Lundi 30 juillet 1882
Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Mon Père chéri,
C’est de la rue Cassette que je viens t’embrasser aujourd’hui ; nous avons quitté Launay hier comme c’était convenu et notre voyage s’est parfaitement passé, sans fatigue pour personne. Jeanne[1] a été bien sage elle a dormi, goûté et le reste du temps s’est tenue bien tranquille, elle était ravie d’être en chemin de fer comme elle avait vu partir son bon-papa[2].
Nous avons trouvé Nounou[3] en arrivant ; Jeanne ne lui a pas fait d’abord un peu saisie en la voyant, puis bien vite elle l’a reconnue et les voilà maintenant très bonnes amies, quoique « mama » soit encore la plus choyée. Nous devions nous mettre en route demain à 1 heure pour Villers mais Marcel[4] a justement une commission Mardi matin sur laquelle il ne comptait pas ; nous remettons donc notre départ de 24 heures et encore ce sera bien juste. Marcel n’aura que le temps d’avaler une bouchée entre sa séance et la gare. Nous Je m’accommode fort bien du reste de ce petit prolongement qui me permettra de faire mes affaires avec plus de calme. Nous sommes très bien sans domestiques[5] grâce au petit hôtel notre voisin où nous allons prendre nos repas et qui nous satisfait complètement. Mais je m’aperçois, mon Père chéri, que je ne te parle que de moi tandis que ma pensée est sans cesse auprès de toi en ce moment ; je voudrais soulever l’avenir de 2 ou 3 jours et savoir ce qui va être décidé ; la seule chose qui me chagrine c’est que moi je ne sois propre à rien[6] et que je ne puisse songer à t’accompagner ce qui m’aurait fait tant de plaisir ! Mais gare à toi, l’année prochaine, mon petit Père, si Karlsbad[7] t’a fait du bien et que les 2 petits[8] soient bien portants, on t’emmènera sous bonne escorte faire ta saison que tu en aies envie ou non. Nous serions si heureux que ta saison tu ailles tout à fait bien ! Ce coquin d’estomac si on pouvait le mettre à la raison ! Sais-tu mon cher petit Papa, que tout bas, ce sont certaines toutes les préoccupations que tu as eues ce printemps que j’accuse et non ton bon estomac que j’accuse du trouble que tu ressens en ce moment. Tâche de les chasser ; pense à ta fille si si heureuse avec son cher mari, si heureuse qu’on ne peut pas plus ; pense que c’est toi qui a fait ce bonheur-là ; pense que le bon Dieu réserve sûrement les mêmes joies à l’autre[9] et qu’au moment où il voudra il lui enverra ce qu’il lui destine ; pense que tes deux filles t’aiment de tout leur cœur (même quand la grande est un peu grognon tu sais que c’est un bien [fond d’autre] [ ].
Tout cela ne te fait-il pas du bien et ne sens-tu pas ton estomac se détendre et mieux aller. Tu sais comme ton petit séjour à Launay t’avait déjà fait du bien. Je compte sur le mois d’Octobre pour compléter l’effet des eaux, après cela tu viendras avec nous, tu me tiendras compagnie, quand je ne sortirai plus guère et enfin l’arrivée de ton petit-fils viendra donner le dernier coup à ton mal et le chassera pour toujours. N’est-ce pas que j’ai raison ? Sur ce, mon Papa bien aimé, je t’embrasse mille fois.
Marcel se joint à moi pour te dire comme nous t’aimons.
Notes
- ↑ Jeanne de Fréville.
- ↑ Charles Mertzdorff, qui vient a passé quelques jours à Launay.
- ↑ Nounou probablement prénommée Marie.
- ↑ Marcel de Fréville, qui travaille à la Cour des comptes.
- ↑ Louis et Maria, habituellement employés.
- ↑ Marie est enceinte, Robert de Fréville naîtra le 19 décembre.
- ↑ Karlsbad, station thermale allemande en Bade-Wurtemberg.
- ↑ Jeanne de Fréville et le futur Robert.
- ↑ Émilie Mertzdorff, sœur de Marie, que l'on cherche à marier.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Lundi 30 juillet 1882. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_30_juillet_1882&oldid=40531 (accédée le 15 novembre 2024).
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