Vendredi 21 juillet 1882

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff et Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à leur père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Launay 21 Juillet 1882.

Mon cher papa,

Nous sommes tout abandonnés depuis 24 heures, tante[1] est partie hier matin pour Paris et doit revenir aujourd’hui à 1h1/2 ; tu vois que son absence n’aura pas été longue, j’espère que ce petit voyage ne la fatiguera pas, cependant elle avait bien des choses à faire pendant ces quelques heures et bien des personnes à voir. Elle devait consacrer la plus grande partie de son temps à bon-papa[2] puisqu’il était le but de son voyage ; elle voulait voir aussi bonne-maman Trézel[3], bonne-maman Duméril[4] si cela était possible, et dîner avec tante Louise[5] ; ce matin elle avait encore l’intention d’aller chez bon-papa avant de se rendre au chemin de fer. Nous irons au-devant d’elle à Nogent en emmenant Jeanne[6] dans sa voiture comme nous avons fait pour te reconduire. Hier nous avons passé toute la journée dans le jardin ; Jeanne a été très sage de sorte que j’ai pu lire longtemps à Marie une comédie allemande de Kotzebue[7] qui nous a bien amusées mais c’est une chose que nous ne pouvons faire que lorsque nous sommes seules.

Le beau temps a l’air tout à fait établi ; je crois qu’on commence à récolter le seigle et les champs de blé jaunissent à vue d’œil, peut-être que [ ] cette série de beaux jours pourra racheter tous les dégâts qu’avait causés le mauvais temps.

Marie me réclame une petite place, je borne donc là mon style et je t’embrasse de tout mon cœur.

Émilie

Depuis ton départ, mon Père chéri, je projette de venir t’embrasser mais jusqu’à présent je n’ai pu y arriver ; tu sais comme mes matinées sont courtes, quand je parais Jeanne me réclame, un bain ou quelque autre chose absorbe notre temps et l’on vient demander les lettres avant que j’aie eu le temps de prendre la plume. L’après-midi nous campons dehors plus que jamais, nous avons eu une journée de vraie chaleur dont nous avons profité pour mettre des chaussettes à Jeanne, elle était ravie. Elle est mieux acclimatée encore à sa vie de Launay que lorsque tu nous as quittées aussi sa sagesse s’en ressent elle crie beaucoup moins. Ton départ lui a causé un véritable vide elle pousse des petits gémissements quand on lui demande où est bon-papa et elle montre la fenêtre ou la porte ; Jeanne n’est pas la seule, mon Père chéri, à regretter ton absence, tu ne saurais croire combien tu nous manques, il me semble que je n’ai pas bien profité de toi, que nous ne nous sommes pas bien vu, et nous allons être si longtemps encore séparés ! Mon bon petit papa que c’est ennuyeux d’être ainsi toujours de côtés et d’autres.

Adieu, mon Père chéri, je t’embrasse de tout mon cœur, comme je t’aime, Marcel[8] se joint à moi pour t’envoyer nos meilleures amitiés et si Jeanne ne dormait pas je suis sûre qu’elle enverrait des baisers des 2 mains  pour toi.

ta fille

Marie 


Notes

  1. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards.
  2. Jules Desnoyers.
  3. Auguste Maxence Lemire, veuve de Camille Alphonse Trézel.
  4. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  5. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  6. Jeanne de Fréville.
  7. August von Kotzebue (1761-1819), auteur prolifique, en particulier de comédies : le Prisonnier (1798) ; Les deux frères, en quatre actes (1799) ; C'étoit moi et Le Mari hermite en 1 acte (1807) ; Deux ermites (1813) ; A la porte (1824), etc.
  8. Marcel de Fréville.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Vendredi 21 juillet 1882. Lettre d’Émilie Mertzdorff et Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à leur père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_21_juillet_1882&oldid=35877 (accédée le 23 avril 2024).

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