Vendredi 24 mars 1882

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Paris 24 Mars 82[1]

Mon cher Papa,

Voilà bien longtemps que je ne t’ai écrit, j’en ai vraiment du regret, mais Émilie[2], je sais, t’a donné de nos nouvelles à tous et moi j’attendais toujours pour prendre la plume, d’abord une lettre de toi nous disant si tu approuvais notre projet de voyage, ensuite je voulais voir si ce bon petit projet pouvait prendre consistance, je ne suis malheureusement pas plus avancée qu’il y a 8 jours et je crois que nous resterons dans le vague jusqu’à la semaine Sainte ; Marcel[3] a beaucoup à faire, il est question à la Cour de plusieurs mouvements qui le feraient peut-être passer de 1ère classe et dans ce cas-là il voudrait travailler le plus possible pour avoir un peu de besogne en provision ; enfin nous ne désespérons pas de partir mais nous ne sommes pas du tout sûrs de pouvoir. Dans tous les cas, mon cher Père, il ne faudrait pas que cette idée te fît renoncer à venir ici, j’espère au contraire que tu vas arriver bientôt et si nous sommes libres, eh bien, nous partirons avec toi. Songe donc, mon Père chéri, que tu nous as dit en partant que tu reviendrais bientôt et voilà déjà un mois que tu es loin de nous ! nous t’attendons tout à fait maintenant.

Tu nous trouvera tous en parfaite santé ; Jeanne[4] prospère, elle marche du matin au soir sans se fatiguer et commence à comprendre beaucoup de petites choses, seulement elle n’essaie pas de parler. Elle n’a toujours que ses 6 dents, c’est assez étonnant car ses gencives sont très grosses. Je viens d’avoir ce matin la visite de bonne-maman[5] qui allait bien tandis que hier et avant-hier et Mardi elle était fort mal entrain. Bon-papa lui, se portait parfaitement.

Marcel me charge, mon petit Papa, de te demander si tu aurais la bonté de nous avancer par un chèque 1 500 F sur l’argent que nous toucherons probablement dans peu de temps des actions de Vieux-Thann ; nous avons déjà une petite réserve, et ces 1 500 F compléteraient un placement que nous avons bien envie de faire et en attendant Mai ou Juin ce que nous comptons acheter pourrait bien être remonté ce qui vexerait fort notre petite bourse. Je pense que cela ne de te dérangera pas et que tu approuveras notre combinaison. Nous sommes cet hiver fort en veine de placer, je suis sûre que tu rirais de nos pauvres petites économies, mais les petits ruisseaux font les grandes rivières. Nous n’en sommes encore qu’au ruisselet.

Adieu mon Père chéri, merci à l’avance pour la peine que nous te donnons ; je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime

ta fille

Marie

Émilie m’a envoyé ta lettre pour laquelle je te remercie aussi ; je tâcherai de voir H. Berger[6]. Pauvre Marie[7] pourquoi l’a-t-on fait tant jeûner ? Cela me semble le bouleversement des principes actuels ; est-elle bien soignée ?


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  3. Marcel de Fréville.
  4. Jeanne de Fréville.
  5. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (« bon-papa »).
  6. Hélène Berger, qui vient d'épouser Émile Poinsot.
  7. Marie Berger, épouse de Paul Henri Rich, et mère de Gabrielle Rich qu'elle nourrissait.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Vendredi 24 mars 1882. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_24_mars_1882&oldid=35932 (accédée le 26 avril 2024).

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