Lundi 26 mai 1873

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie et Émilie Mertzdorff, complétée par Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


Paris le 26 Mai 1873[1]

Mon cher papa,

C'est donc aujourd'hui que tu pars pour Senones pourvu que ce voyage ne te fatigue pas trop. Hier soir en rentrant de Montmorency nous avons trouvé ta bonne lettre adressée à Émilie[2] qui comme toujours nous a bien réjouie.

Comme je te le dis dans ma lettre d'hier nous avons passé tout notre Dimanche à Montmorency. D'abord en revenant de la messe nous avons fait une bonne partie de cache-cache avec Charles et Jeanne[3] puis aussitôt après le déjeuner nous sommes partis en voiture pour la gare du Nord. Jean[4] était avec nous. Le trajet s'est bien passé et nous sommes arrivés chez bonne-maman[5] vers 11½ elle était encore à table ainsi que bon-papa et oncle Alfred[6]. Nous nous sommes de suite mises à jouer et je t'assure que nous nous sommes bien amusées. Nous avons trouvé bonne-maman bien mais un peu fatiguée elle m'a chargée de toutes ses amitiés pour toi.

Aujourd'hui nous allons aller à Passy voir Pauline Dupoirieux nous nous réjouissons bien car elle est très gentille.

Je t'écris sur le bureau d'oncle[7] puisque l'on met notre chambre en couleur et que nous habitons <l'enfilade> car tu sais que nous couchons dans la 1ère pièce. De plus je suis habillée en femme de chambre j'ai mis le bonnet et le tablier de Cécile[8] et tout le monde me prend pour Estelle[9] ce qui m'amuse beaucoup.

Adieu mon père chéri, Émilie désire le reste de ma feuille je t'embrasse de toutes mes forces.

ta petite fille Marie M.

Mon cher petit père   

Je reprends la lettre pour te remercier de la chère grande aimable et mignonne lettre que j'ai reçue hier matin tu vois d'ici notre joie, décacheter vite la lettre et la lire plus vite encore puis la relire. Il est tout naturel que nous aimions à recevoir tes lettres nous t'aimons tant mon petit père chéri.   

Je viens de faire réciter la géographie à Jean qui du reste ne la savait pas bien je lui propose de la relire mais je crois que cette idée ne lui sourit pas beaucoup.   

On met notre chambre en couleur et je ne puis<étudier> mon piano.   

Hier au soir nous avons été à la chasse aux rats mais nous n'en avons pas tué un seul. Mais ce qui nous a beaucoup amusé et a troublé notre chasse c'est qu'une grille du jardin était restée ouverte et que voilà tout à coup une invasion de gens qui arrivent il était bien naturel que tout le monde voyant une porte ouverte y entre. Oncle est allé chercher un gardien[10] et on a chassé tous ces pauvres gens qui se dispersaient déjà dans tout le jardin.

Adieu mon petit papa chéri que j'aime porte-toi bien et fais bon voyage car tu es en voyage en ce moment-ci. Je te dis encore une fois que je t'aime et je t'envoie une quantité de petits baisers.

Mon petit père chéri je te charge de distribuer beaucoup de baisers à bonne-maman et bon-papa [11] et à oncle Léon [12] et de leur faire toutes nos amitiés.

Ta petite Émilie chérie    

Nous ou plutôt Marie [13] a reçu une lettre Marie Berger qui va bien.  

Cécile comme toujours te fait dire bien des choses.

Bonne-maman Desnoyers et bon-papa [14] m'ont bien recommandé de ne pas les oublier quand je t'écrirai

Mon cher Charles, vous pouvez être bien tranquille, Paris est parfaitement calme, chacun paraît occupé de ses affaires et nullement désireux de faire du bruit[15].

Les enfants vont parfaitement et sont bien gentilles, elles viennent de coudre un bon moment et maintenant Émilie fait ronron sur les genoux d'oncle en attendant que nous partions. Mille bonnes amitiés. <A M.>


Notes

  1. Lettre sur papier deuil, possiblement adressée à Senones.
  2. Émilie Mertzdorff.
  3. Charles et Jeanne Brongniart.
  4. Le jeune Jean Dumas.
  5. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  6. Jules et Alfred Desnoyers.
  7. Alphonse Milne-Edwards.
  8. Cécile, bonne des jeunes Mertzdorff.
  9. Estelle, domestique chez les Milne-Edwards.
  10. Un gardien de la partie publique du Jardin des plantes.
  11. Félicité Duméril et son époux Louis Daniel Constant Duméril.
  12. Léon Duméril.
  13. Marie Mertzdorff.
  14. Jeanne Target et son époux Jules Desnoyers.
  15. Allusion possible à la crise bancaire, partie de Vienne début mai.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 26 mai 1873. Lettre de Marie et Emilie Mertzdorff, complétée par Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_26_mai_1873&oldid=61779 (accédée le 22 décembre 2024).

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