Lundi 26 et mardi 27 février 1872

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)

original de la lettre 1872-02-26.jpg


Vieux-Thann

Lundi soir

Ma chère petite Gla,

J'ai bien sommeil mais je veux cependant profiter de la lettre de Marie[1] pour y joindre un petit mot. Tu sais comme je t'aime et combien ma pensée aime à se rapprocher de toi, je te suis dans toutes tes nombreuses occupations. A propos tu ne me réponds pas au sujet de la souscription nationale du quartier à la tête de laquelle tu dois être. Mais par mon petit doigt je sais que tu es sous-présidente et que tu reçois les modestes offrandes des dames et c'est à ce titre que je viens te prier de prendre 100 F et 50 F de la part de chacune des fillettes[2], ce qui te fera 200 F à ajouter à ta liste. Tu vois que cela ne regarde pas les messieurs, eux on les laisse agir plus grandement, plus à la hauteur de nos souffrances. Je te fais bien des excuses de ce que nous ne t'ayons pas écrit plus souvent, les fillettes pour te remercier de toutes les attentions que tu as eues pour nous tous pendant notre séjour à Paris.

Que dit-on en ce moment ?[3] reprend-on un peu courage ? Les journaux ne paraissent pas très rassurés eux-mêmes. On s'attend toujours à quelques mouvements. Chacun ne voit pas l'avenir en beau, loin de là. Enfin à quoi sert de s'inquiéter ? Qui vivra verra, et si non inutile de s'agiter.

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Mardi 11h

Charles[4] est à Morschwiller, c'est énorme ce qu'il a à faire en ce moment, en raison des décisions à prendre. On demande du blanc d'impression pour les fabriques d'indienne, et Charles se décide à en faire à Morschwiller dans une partie de la fabrique seulement, ça aura le double but d'être utile et de conserver une occupation à M. Duméril[5] à Morschwiller (ceci entre nous deux, je pense tout haut) Léon[6] viendra ici, il dirigera la fabrique qui aura encore à faire il faut l'espérer ; Charles a l'intention de n'entrer qu'avec prudence dans l'affaire Seillière, il n'y a encore rien de décidé, ces messieurs doivent venir un de ces jours. De cette façon j'espère qu'avec le temps Charles aura plus de liberté, tout en ayant encore de l'occupation en industrie. Hier il a porté solennellement sa démission au Kreisdirektor de Thann, (de maire) il ne voulait pas l'accepter, mais il a fini par comprendre que c'était sérieux et qu'il ne voulait plus de la mairie. Aussi au village il est bruit que nous partons, que nous ne restons plus au pays, que nous avons acheté une grande fabrique en France &&& enfin maints produits de l'imagination des curieux circulent. M. et Mme Zaepffel[7] sont à Paris, mais avec l'intention de demander la place de conseiller de préfecture à Nancy afin de se fixer dans cette dernière ville. M. Heuchel[8] va mieux ; il s'est levé hier. Ma purgation m'a fait du bien, mais j'ai toujours l'estomac un peu fatigué, il faut que je le ménage et tu sais ça influe sur tout le reste de la machine, c'est désagréable. Je ne puis continuer à t'écrire, de nouveau je fais une dictée ; Emilie[9] a pris sa leçon. Aujourd'hui je veux faire faire ma cire, c'est une grande besogne quand on n'a pas d'expérience. Adieu, ma Gla, je t'embrasse de tout cœur ainsi que maman[10]. Amitiés à Alphonse[11] et à Jean[12]

Eugénie M.


Notes

  1. Marie Mertzdorff.
  2. Marie et Emilie Mertzdorff.
  3. Allusion possible au remaniement du 6 février 1872 (Auguste Casimir-Périer quitte le ministre de l'Intérieur), ou bien à la « loi Tréveneuc » du 15 février 1872 qui prévoit d’attribuer le pouvoir aux conseils généraux au cas où le Parlement serait dans l’incapacité de se réunir.
  4. Charles Mertzdorff.
  5. Louis Daniel Constant Duméril.
  6. Léon Duméril.
  7. Edgar Zaepffel et son épouse Emilie Mertzdorff.
  8. Georges Heuchel.
  9. La petite Emilie Mertzdorff.
  10. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  11. Alphonse Milne-Edwards.
  12. Le petit Jean Dumas.

Notice bibliographique

D’après l’original

Annexe

Mme Alphonse Edwards

Pour citer cette page

« Lundi 26 et mardi 27 février 1872. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_26_et_mardi_27_f%C3%A9vrier_1872&oldid=40442 (accédée le 15 novembre 2024).

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