Lundi 22 mars 1875 (A)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
Ma chère Marie
Je serais bien embarrassé à te dire comment j’ai passé mon Dimanche ; mais j’étais seul tout l’après-midi, je n’ai pas quitté mes pantoufles, j’avais la ferme intention de vous écrire & cependant je ne l’ai pas fait ; ce qui me force de me dépêcher ce matin pour que vous ayez de mes nouvelles.
Samedi j’ai quitté la maison le matin pour aller par chemin de fer & voitures à un enterrement à Munster. M. Kiener[1] un bien ancien ami, ami de mon père[2] qui est mort à l’âge de 83 ans.
Nous avions un temps froid, beaucoup de neige qui tombait presque toute la journée, hier encore il neigeait, les montagnes sont blanches & cependant presque plus de neige dans en plaine.
Si j’avais pu prévoir que je passais ma journée de samedi dehors ne pouvant rentrer qu’à 10h du soir je me serais arrangé à aller à Morschwiller le lendemain ; mais le matin le docteur[3] n’est pas venu & je tenais à savoir comment il trouvait Nanette[4] qui est toujours dans son lit.
Enfin je m’y suis mal pris, & je vais être forcé de prendre un jour de la semaine pour ma visite à Morschwiller.
Cependant je n’ai pas entièrement perdu ma journée & elle n’était pas trop longue pour ce que j’avais à faire.
Nanette va mieux, elle n’a plus de douleurs, ce ne sont plus maintenant que des soins. Son foie, au dire du docteur, n’est pas encore tout à fait remis, mais elle est en bonne voie, se lève une partie de la journée, cette nuit elle a dormi un peu. Il faut qu’elle se ménage encore en Mangeant ce qui lui est facile. Elle est du reste bonne malade, obéissante & suivant bien les recommandations du Docteur.
Pour être complètement remise, ce sera un peu long.
Il y a en ce moment beaucoup de malades de poitrines & la mortalité est très grande. C’est comme une épidémie ; jusqu'à présent Vieux-Thann avait été épargné, mais voilà que la maladie qui nous visite aussi, il vient de mourir cette nuit une tante à Thérèse[5].
Mon intention était d’aller vous trouver Mercredi matin, mais j’ai reçu hier une lettre d’un Parisien qui demande à venir me voir pour différentes questions qui l’embarrassent. Il viendra Jeudi & je l’attendrai. Ce ne sera donc très probablement que Vendredi soir que je quitterai. Mon départ dépendra de la visite de ce Monsieur.
Hier je voulais aller faire visite aux Berger mais l’on était à Lauw[6], j’y retournerai ce soir.
Ce matin l’oncle[7] me fait dire qu’il ne viendra pas qu’il est souffrant ; il allait encore bien hier matin, il était au bureau & à la grand messe ; j’espère que ce n’est qu’une indisposition d’une ou 2 journées. J’irai lui faire une visite en allant chez les Berger. J’espère bien que mon projet de petite visite à mes chéries[8] ne se compliquera pas par cet incident si imprévu.
J’ai Pétrus aussi qui ne va pas & qui me donne quelques inquiétudes : cependant il vient encore à son atelier assez régulièrement & lui seul avait la direction des rames qui sont toujours surchargés de travail.
C’est comme tu vois, outre l’inquiétude de voir cet excellent homme sans santé, un embarras pour moi car je ne trouverais pas à le remplacer.
Tschirret lui est aussi bien malade tout en venant au bureau ; il s’en va peu à peu, il a un peu de fortune & s’il ne peut plus faire sa besogne, il restera à la maison et ne sera pas remplacé.
Vous ai-je dit que j’avais de bonnes nouvelles des Zaepffel[9], tout le monde va bien, sauf Madame de Rheinwald[10] qui est toujours plus ou moins souffrante.
Je ne sais si c’est par ma faute, à remettre toute chose au lendemain, mais je voudrais encore tant faire cette semaine que je suis effrayé & certainement remettrai encore quantité de questions pour mon retour. J’ai à m’occuper avec M. Jeaglé de l’inventaire, à voir le plus gros & lui laisser le détail. Aussi si tu me voyais me presser pour aller faire un tour dans les ateliers car c’est mon premier travail que je fais ce matin & tu vois que je ne choisis pas le plus désagréable ; si je m’étais levé plus tôt, je n’aurais pas à me presser tant. Mais 7h c’est trop tard, l’on arrive au bureau que peu de temps avant l’arrivée du courrier du matin, qui est venu me distraire tantôt une bonne heure, car il faut toujours dire ce qu’il faut répondre, faire etc. Enfin je suis heureux encore d’être tant poussé par la besogne, autrement je ne saurais rester tout seul ici & n’avoir plus rien à faire est plus effrayant encore lorsque l’on a toujours travaillé.
Nous ne savons toujours pas quel Curé nous sera donné, mais le nôtre[11] nous a quitté, il y avait hier une grande fête d’installation à Thann. C’est le Curé de Colmar[12] qui a prêché me dit-on.
Remercie tante[13] du petit mot qu’elle a mis dans la lettre d’Emilie que j’embrasse de tout cœur ainsi que toi ma bonne chérie
ton père qui t’aime
Charles Mff
Notes
- ↑ Jean Kiener, manufacturier à Gunsbach, près Munster (Haut-Rhin).
- ↑ Pierre Mertzdorff (†).
- ↑ Possiblement François Joseph Conraux.
- ↑ Annette, cuisinière chez Charles Mertzdorff.
- ↑ Thérèse Neeff, domestique chez Charles Mertzdorff ; sa tante décédée est Marie Anne Ziebelen, épouse de Grégoire Neeff.
- ↑ Lauw, où vit Léonce Berger, frère de Louis Berger.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Marie Mertzdorff et sa sœur Emilie.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Charles, et son époux Edgar Zaepffel.
- ↑ Louise Zaepffel, veuve de Camille Charles Auguste de Rheinwald.
- ↑ François Xavier Hun, passé de la cure de Vieux-Thann à celle de Thann ; il sera remplacé par Louis Oesterlé.
- ↑ Wendelin Meyblum, curé de Colmar de 1871 à sa mort en 1885.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 22 mars 1875 (A). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_22_mars_1875_(A)&oldid=40400 (accédée le 22 décembre 2024).
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