Lundi 16 septembre 1872
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)
Lundi
Ma chère Gla,
11h sonnent mais je te griffonnerai encore quelques lignes car tu pourrais croire à l'oubli de ceux qui regrettent tant votre départ. Ce serait un jugement téméraire qui chargerait trop ta conscience et auquel je ne veux avoir aucune part. Vos places sont bien vides ici et quoique notre temps ait été très rempli ces jours derniers vos noms ont été et sont bien souvent prononcés avec un soupir peu flatteur pour les intéressantes bêtes qui doivent captiver Alphonse[1] en ce moment. La représentation du limule[2] en question existe toujours sur le tableau noir, et si nous ne nous flattions d'être des gens bien élevés, je crois que l'innocente bête recevrait des insultes proportionnées à nos regrets.
Merci de ton petit mot ; je suis bien heureuse que vous n'ayez été ni fatigués ni ennuyés pendant votre voyage et maintenant je tiens à vous remercier de nous avoir fait une si aimable conduite jusqu'au Vieux-Thann et je vous prie de ne pas oublier que les habitants ne sont pas ceux qui vous aiment le moins par ce monde.
Papa[3] est arrivé en très bonne santé pas fatigué, ni même ennuyé malgré la surprise qui l'attendait. Un dîner de 17 personnes; un véritable évènement ! En rentrant de te reconduire j'ai invité les Henriet[4] à dîner, plus leur fille Mme Zurcher[5] (C'était une dette). Maintenant que c'est passé je suis très contente, ça a marché parfaitement et tout le monde paraissait satisfait, les Duméril[6] étaient aussi des nôtres.
Les Zaepffel[7] sont partis ce matin ; Maman[8] a très bonne mine et papa aussi, ils paraissent heureux ici et nous jouissons en les regardant. Quel dommage, dit <maman> que mon petit Alphonse ne soit pas ici (je pense que ma petite Gla est comprise aussi dans l'hélas !)
Demain nous allons tous à Morschwiller[9] avec la voiture.
Aujourd'hui j'ai couru dans la maison, jardins, fruitier, maison du jardinier[10], comptes avec Nanette[11], visite des petites sœurs des Pauvres & enfin je n'ai pas été beaucoup avec maman, elle a travaillé avec papa et m'a aidée dans mes arrangements. Marie et Emilie[12] étaient chez les amies Berger[13]. Ce sont elles qui ont encore le plus perdu à votre départ. Ce matin, elles se sont remises seules à leurs petits devoirs.
Papa vient de nous faire la lecture de ces lettres de LePage dans la Revue[14], c'est un vrai chef-d’œuvre de style et de pensée. Bonsoir je < >
Mardi 8h ½
Dans un ¼ d'heure nous partons, tu sais que je ne suis généralement pas en avance, cependant il faut que cette lettre parte aussi et te porte nos tendresses. Papa et maman vont très bien ; Charles[15] et Marie prennent le chemin de fer et j'ai encore bien des choses à faire
Merci pour les plumes, je verrai pour les chaussettes.
J'espère que l'indisposition d'Elise[16] ne sera rien.
Mille amitiés pour toi et Alphonse. Ne nous oublie pas auprès de M. Edwards[17]
et mille baisers des enfants
Eugénie M.
Bien des choses à Alfred[18].
Notes
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Eugénie met « limule » au féminin.
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ Louis Alexandre Henriet, son épouse Célestine Billig et probablement leurs enfants.
- ↑ Marie Henriet, épouse de Léopold Zurcher.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril, son épouse Félicité Duméril et leur fils Léon Duméril.
- ↑ Félix Zaepffel et son épouse Emilie Mertzdorff.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Morschwiller où habitent les Duméril.
- ↑ Maison d'Édouard Canus et son épouse Virginie Monnin.
- ↑ Annette, cuisinière chez les Mertzdorff.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff (« les enfants »).
- ↑ Marie et Hélène Berger.
- ↑ Possiblement : Auguste Lepage (1835-1908), gérant du Courrier français, Lettre à Madame la princesse de Metternich, par un détenu de Sainte-Pélagie (1868).
- ↑ Charles Mertzdorff, accompagné de sa fille Marie.
- ↑ Elise, domestique chez les Milne-Edwards.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Alfred Desnoyers.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 16 septembre 1872. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_16_septembre_1872&oldid=60306 (accédée le 21 décembre 2024).
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