Lundi 15 décembre 1879
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris 15 Xbre 1879
Mon cher Papa,
Quoique Émilie[1] t’ait écrit hier[2] je tiens à venir encore et moi-même te dire tout le plaisir que nous a causé ta lettre de Samedi, d’abord : parce qu’elle suivait de près de ses sœurs aînées et était une vraie et agréable surprise et puis surtout à cause de la bonne nouvelle qu'elle renferme. Quel bonheur de te revoir bientôt mon Père chéri ! Nous n’osions pas nous attendre à ce que fût si tôt ; tu comprends donc nos exclamations de joie et d’étonnement. J’ai déjà donné ce matin des draps pour ton lit et le frotteur vient de faire reluire ta chambre qui t’attends toute prête à te recevoir. Pourvu que le froid ne devienne pas plus violent et que tu ne sois pas forcé de différer ton départ !
As-tu l’intention de voyager de jour ou de nuit ? Il me semble que par le froid le jour serait peut-être plus agréable.
Nous avons été bien tristes en apprenant que la maladie d’oncle Georges[3] persistait toujours c’est bien inquiétant à son âge et cependant on l’a vu si souvent atteint qu’on espère toujours que ce ne sera qu’une crise et que le mal s’en ira comme il l’a déjà fait. Ce qui est mauvais c’est qu’il s’affaiblisse car alors il ne pourra peut-être plus réagir suffisamment. Je pense souvent à la pauvre tante[4] et je la plains de tout mon cœur ; comme elle doit souffrir et que deviendrait-t-elle si le cher oncle allait la quitter ? Se contente-t-on de l’avis du Docteur Bornèque[5], ne pourrait-on pas consulter une autre personne ?
Nous venons de rentrer du cours de physique où nous avons été avec Cécile[6] non pas que tante[7] fût malade mais parce qu’elle était garde-malade. Le Pauvre Oncle[8] a été pris cette nuit de grandes douleurs d’estomac accompagnées de vomissements et il a souffert de même toute la matinée. M. Dewulf[9] pense que c’est le froid qui lui a fait mal ainsi et il espère bien que ce ne sera rien mais en attendant oncle est dans son lit qu’il ne songe guère à quitter et a une triste mine ; cette après-midi il va un peu mieux et j’espère que demain ce mieux sera tout à fait dessiné.
Émilie a dû hier, mon Père chéri, te parler des différentes petites commissions qui viennent parfois t’ennuyer au moment de ton départ. Il s’agissait du peigne d’écaille de mère[10] qui est je ne sais pas trop où (probablement avec les bijoux ou dans le chiffonnier) et du beau livre de littérature allemande, je viens ajouter une 3e prière si cela ne t’ennuie pas trop mais ce sera la plus facile de toutes : maintenant que je me lance dans la musique de danse je pense qu’il me serait agréable de pouvoir étudier un certain petit cahier jaune qui est dans le porte-musique à la maison et qui est intitulé « 100 valses de Strauss »[11] ce sera de la pâture pour longtemps et mieux vaut se servir de ce que l’on a plutôt que de racheter toujours.
Adieu, mon Père chéri, on attend ma lettre pour la porter à la poste, je t’embrasse du fond de mon cœur comme je t’aime,
Marie
J’embrasse bien fort bon-papa et bonne-maman[12].
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Voir la lettre du 14 décembre.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Élisabeth Schirmer épouse de Georges Heuchel.
- ↑ Pierre Léon Bornèque.
- ↑ Cécile Besançon, bonne des demoiselles Mertzdorff.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Le docteur Louis Joseph Auguste Dewulf.
- ↑ Caroline Duméril (†), première épouse de Charles Mertzdorff, ou bien Eugénie Desnoyers (†), seconde épouse ?
- ↑ « 100 Suites de valses pour piano seul » ? par Johann Strauss (1825-1899).
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 15 décembre 1879. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_15_d%C3%A9cembre_1879&oldid=42790 (accédée le 7 décembre 2024).
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