Lundi 10 février 1806
Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à sa mère Rosalie Duval (Amiens)
N°163
Ma très chère mère, vous ne pouviez me donner un meilleur témoignage de votre estime et de votre amitié que celui que contient votre lettre. J'espère que vous n'aurez qu'à vous applaudir de mon choix et que vous trouverez dans votre bru toutes les qualités d'une femme vraiment aimable[1]. Elle n'a rien de ce qui charme au premier abord. On ne lui donnerait guère que vingt-trois ou vingt-quatre ans quoiqu'elle m'ait avoué il y a quelques jours qu'elle en a vingt-sept. Elle est grande et bien faite. Elle est un peu pâle, mais sa figure est pleine ; ses yeux et ses dents sont superbes. Son Parler est un peu lent ; mais sa voix est douce. Elle est excessivement timide et tellement réservée que je l'ai crue prude pendant longtemps ; mais cela tient au peu de confiance qu'elle a dans ses moyens. Elle a tort et gagne beaucoup à être mieux connue. Elle est fort adroite de ses mains : elle fait elle-même toutes ses robes et ses ajustements. Elle dessine parfaitement bien. c'est le seul art d'agrément que je lui connaisse. Sa mise est extrêmement simple et d'un genre à elle, qui tient un peu de la manière anglaise. Depuis trois ans et demi que je la connais, je ne l'ai jamais vue qu'avec des robes taillées de la même manière. Ses liaisons sont très bornées, elle ne voit guère que des Genevois. Madame Delessert la mère[2] qui est une intime amie de la sienne[3], la considère comme sa fille. Madame De candolle[4] est son amie d'enfance. J'ai aujourd'hui quelques raisons de croire que sous le rapport de la fortune, j'ai rencontré un peu plus qu'on ne me l'avait dit d'abord.
Nous n'avons pas encore déterminé l'époque de notre union ; ce ne sera guère que vers les 1ers jours d'avril. d'ici là je vais être extrêmement occupé. outre mes leçons, qui à la vérité n'ont plus lieu que deux jours l'un, je suis chargé du rapport sur l'épidémie d'Espagne et je m'en occupe. j'ai encore beaucoup d'autres besognes accessoires. cependant je n'ai jusqu'ici eu qu'une seule fois la migraine, malheureusement c'était un jour de Leçon et elle était forte.
J'ai reçu une lettre d'Auguste[5] datée de Milan le 25 janvier. En voici l'extrait : il ne m'a su de retour qu'en recevant la veille ma lettre du 10 janvier. Il m'engage à publier mon rapport et à ne pas m'en rapporter à d'autres, comme dans l'affaire de Pithiviers. Quoiqu'il vous ait écrit deux fois, il n'a reçu d'Amiens aucune nouvelle depuis son arrivée en Italie. Il est très content du Ministre[6] et de Jullien[7]. Il revient de Venise et va partir pour Naples. Depuis deux mois il a vu les principales villes du nord de l'Italie, dont les principales sont Pavie, Crémone, Mantoue, Brescia, Vérone, Padoue et Venise, et dans chacune d'elles il a séjourné 3 ou 4 jours. Ses appointements lui ont été payés : il a des fonds devant lui pour remplir ses engagements antérieurs et il est fort content. Il a retiré à la poste et me fait passer une traite qu'il a bien fait de réclamer car un employé était chargé de la retirer et d'en faire passer le montant à Lyon. Duméril[8] lui a écrit pour demander des fonds : il l'aurait fait venir près de lui s'il ne l'avait craint. Déjà il s'était entendu avec un employé du Bureau de la poste Française à Milan et s'était fait envoyer à Lyon une Dépêche du quartier général portant pour adresse le nom, prénom et grade d'Auguste. Il s'est permis de la décacheter, d'écrire sur l'une des lettres et de renvoyer le tout six semaines après sa date et en faisant coûter un triple port. Il me parle de mes projets dont je lui avais fait part et me dit des choses bien aimables à ce sujet & il part pour Rome, on peut lui écrire chez l'ordonnance Alphonse Colbert.
J'ai maintenant la bague : elle n'était pas prête le jour où je fus la chercher avec M. Duquesne. Les deux volumes ont leur destination, comme ils sont placés. Vous ne me donnez pas assez de détails sur Montfleury[9].
Je vous embrasse bien tendrement ainsi que papa[10].
Votre fils C. Duméril
10 février 1806
Notes
- ↑ Il s’agit d’Alphonsine Delaroche.
- ↑ Marie Suzanne Massé, épouse de Paul Benjamin Delessert.
- ↑ Marie Castanet, épouse de Daniel Delaroche.
- ↑ Anne Françoise Torras épouse d’Augustin Pyramus de Candolle.
- ↑ Auguste (l’aîné), frère d’André Marie Constant Duméril.
- ↑ Il s’agit probablement du ministre de la Guerre, Louis Alexandre Berthier.
- ↑ Marc Antoine Jullien.
- ↑ Jean Charles Antoine dit Duméril, frère d’André Marie Constant Duméril.
- ↑ Florimond dit Montfleury (l’aîné), frère d’André Marie Constant Duméril.
- ↑ François Jean Charles Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 2ème volume, p. 138-141)
Pour citer cette page
« Lundi 10 février 1806. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à sa mère Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_10_f%C3%A9vrier_1806&oldid=40201 (accédée le 14 octobre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.