Jeudi 7 juillet 1881

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Launay 7 Juillet 81

Mon cher e  Papa,

Vraiment, m’as-tu bien pardonné d’avoir été si si longtemps sans t’écrire, je t’assure que j’en ai bien du regret et je ne m’étais pas rendu compte que j’avais laissé passer tant de jours ; ce qui a augmenté mon ennui c’est que j’ai appris qu’Émilie[1] aussi, elle ordinairement si exacte, avait manqué pendant longtemps à sa correspondance ; tu as dû être bien mécontent de tes filles, mon pauvre Père chéri et en réalité il y avait bien de quoi. Je puis dire à ma décharge que mes dernières journées à Paris ont été bien remplies ; c’était la première fois que j’étais livrée à moi-même pour un départ ; j’avais à préparer mes affaires, celles de Marcel[2] et de Jeannette[3] et tout cela m’absorbait suffisamment. J’ai laissé bon-papa et bonne-maman[4] bien portants, ils ont dû rester à la maison[5] jusqu’à Mardi.

Marcel m’a quittée Lundi à midi, nous voilà séparés pour longtemps et je t’assure que cela ne m’amuse guère. J’ai déjà reçu de bonnes nouvelles de lui, il a dû quitter Rennes hier pour aller au camp ; heureusement que le régiment était déjà parti et qu’il a pu faire la route en chemin de fer et en voiture au lieu d’aller à cheval en 2 étapes. Je suis bien installée ici et bien heureuse de me trouver avec tante[6] et ma chère petite Émilie ; il ne me manque que toi mon Père chéri, quand donc viendras-tu nous rejoindre ? Oncle Léon[7] est parti auj  hier de Paris ; vraiment il a bien mal choisi l’époque de son voyage puisque cela nous empêche de profiter de notre cher Papa.

Mme Pavet[8] et Marthe vont arriver dans un instant ; j’espère que le bon air fera du bien à Marthe qui a grand besoin de se refaire, la mort de son frère[9] l’a plus éprouvée qu’on ne pouvait le penser.

Ma fillette est toujours bien gentille ; la grande chaleur l’a fatiguée un peu et l’a rendue tant soit peu grognon, mais elle n’en est pas moins parfaitement portante. Je pense qu’à Vieux-Thann comme ici vous avez étouffé, Mardi la chaleur était intolérable ; hier heureusement il a plu et l’on peut respirer maintenant. Surtout, mon cher Papa, ne te fatigue pas par un temps pareil, repose-toi au milieu du jour et ne fais pas d’imprudences pour te rafraîchir (avis à la flanelle et aux fenêtres ouvertes), j’ai bien le droit de prêcher un peu maintenant puisque je suis maman.

Adieu Père chéri, je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime.

ta fille

Marie         


Notes

  1. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Marcel de Fréville.
  3. Jeanne de Fréville.
  4. Louis Daniel Constant et Félicité Duméril.
  5. Chez Marie, dans le pavillon rue Cassette.
  6. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  7. Léon Duméril.
  8. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille et mère de Marthe Pavet de Courteille.
  9. Étienne Pavet de Courteille.


Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Jeudi 7 juillet 1881. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_7_juillet_1881&oldid=42831 (accédée le 15 novembre 2024).

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